Ne boudons pas notre plaisir. Le Lausannois Jean-Stéphane Bron parvient pendant plus d’une heure à nous captiver sur une cruelle incertitude : le Conseil national va-t-il imposer un moratoire sur l’utilisation des OGM (organisme génétiquement modifié) dans l’agriculture ? Sa durée sera-t-elle de cinq ou dix ans ? Du bon cinéma assurément. Le réalisateur consciencieux est bien documenté. Il suit pas à pas les travaux de la commission, puis du plénum, qui introduisent dans la loi sur la protection de l’environnement de nouvelles dispositions sur le génie génétique. Au-delà de la procédure législative, le film met clairement en évidence les rapports de force qui caractérisent les controverses politiques. Il prend aussi le parti d’humaniser la politique en mettant en évidence l’influence déterminante des relations interpersonnelles au sein du Parlement.
L’utilisation des OGM dans l’agriculture et dans l’alimentation provoque une quasi guerre de religion en Suisse et en Europe. Le film focalise et résume cette controverse sur la seule question du moratoire. Il n’élude pas l’influence des lobbies sous la coupole fédérale. Dans le cas des OGM, les lobbies étaient à l’intérieur même de la commission. Le radical bâlois Johannes Randegger, principal adversaire du moratoire, était un cadre de Novartis récemment reconverti en consultant indépendant. Les Verts sont menés par Maya Graf qui exploite une ferme selon les principes de l’agriculture biologique. La commission était partagée à parts égales entre la gauche flanquée du PDC, représenté par le Vaudois Jacques Neirynck, et la droite économique. Situation idéale pour théâtraliser le rôle central d’un paysan lucernois, Josef Kunz, tiraillé entre sa fidélité partisane à l’UDC et sa méfiance face aux OGM. Limiter le débat au seul moratoire est d’évidence une rude simplification. Mais ce n’est pas faux. La politique, pour être comprise, doit souvent se résumer à des slogans.
L’exercice, si talentueux soit-il, a ses limites. Le film montre la victoire des partisans du moratoire en commission et leur défaite au plénum. Mais la politique suisse est un perpétuel recommencement. Quelques semaines après la mise sous toit définitive de la loi sur la protection de l’environnement, le même Conseil national – pendant la session spéciale de mai dernier – réintroduisait le moratoire sur les OGM dans la loi sur l’agriculture. De quoi déboussoler les spectateurs du Génie helvétique. Il faudrait un nouveau film pour expliquer pourquoi la Chambre du peuple a si rapidement changé d’avis. Autre nouveauté, le 18 septembre dernier, c’était le dépôt d’une initiative populaire pour imposer un moratoire ? sur les OGM dans l’agriculture ! Un troisième film devrait alors tenter d’illustrer l’influence de la démocratie semi-directe sur les décisions politiques.
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