Bonne fille, la Commission de la concurrence (Comco) ! Elle a donné son feu vert à l’absorption de Waro par Coop (voir page 2). Les deux géants de la distribution, Coop et Migros peuvent donc continuer de dominer le commerce alimentaire. Une alternative était pourtant à portée de main pour introduire une meilleure concurrence. Le puissant groupe français Carrefour ambitionne de devenir un troisième larron sur le marché suisse. Mais de très longues années sont nécessaires pour obtenir l’autorisation d’ouvrir un centre commercial. Pour devenir rapidement un concurrent sérieux, un nouveau venu doit s’implanter sur des sites existants. Carrefour a pu récemment s’installer dans quelques rares Jumbo. Avec les centres Waro qu’il convoitait, le groupe français serait devenu un concurrent efficace.
La Comco a donc délibérément donné sa préférence à une solution suisse. Et c’est une récidive. En décembre passé, la même Comco acceptait la reprise du groupe Corbaz qui consacrait le quasi monopole des quotidiens vaudois d’Edipresse. Dans les deux cas, les prétendants français sont hors jeu.
Aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, les organes de contrôle de concurrence sont puissants. Ils ne craignent pas d’affronter les géants économiques et de remettre en cause des fusions spectaculaires. Les grandes multinationales helvétiques tremblent devant les verdicts de Washington et de Bruxelles mais peuvent ignorer sans crainte les enquêtes de Berne. Le contraste est cruel. La modeste Comco helvétique applique timidement une loi sur la concurrence qui offre de larges possibilités d’intervention mais n’impose presque rien. La loi n’interdit pas les positions dominantes. Ainsi Coop et Migros ont le droit d’être des superpuissances. La Comco ne peut intervenir contre ces géants que si leur position dominante a des «conséquences nuisibles d’ordre économique ou social». Il appartient à un secrétariat réduit et à une commission formée de miliciens d’apporter la preuve des méfaits d’une concentration. Rude tâche. Les paysans dénoncent la toute puissance des deux grands distributeurs alimentaires dans la fixation des prix des produits de la terre. La Comco n’en finit pas d’examiner ce dossier. Il n’arrivera sans doute jamais à maturité.
La Commission de la concurrence a la timidité de ses moyens. Mais elle baigne aussi dans un climat politique traditionnellement tolérant à l’égard des groupes puissants et des ententes. Le libéralisme économique, dans sa version habituelle, est la recherche de la concurrence efficace sur le marché. En Suisse, le libéralisme se caractérise avant tout par le rejet de l’intervention de l’Etat. Certes, lors de la session d’été, la loi sur la concurrence sera renforcée pour la quatrième fois en quarante ans. Les abus seront plus sévèrement réprimés. Mais le dispositif reste fort loin des rigueurs étrangères. Les vaillants soldats de la Comco continueront de se battre en infériorité numérique. Et que vive la liberté de dominer le marché ! AT
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