La Confédération dépense annuellement 100 millions pour abaisser le prix de la distribution des journaux. La Poste met 30 millions de sa poche. La distribution de cette manne n’est pas aveugle. Les tarifs sont différenciés en fonction du tirage, du volume rédactionnel, de la périodicité. Ainsi, une petite publication politique est subventionnée de quelque 15 centimes par numéro, alors que Construire ou Coopération ne touchent que 9 centimes. Mais le tirage des journaux édités par Migros et Coop est énorme. Une bonne part de l’aide fédérale va donc aux deux plus grands distributeurs du pays !
Les imperfections du système actuel sont criantes. Le Conseil fédéral a proposé une retouche des tarifs postaux. Elle a été reçue fraîchement. La Commission des institutions politiques du Conseil national a repris le flambeau. Elle propose d’abandonner la subvention par l’intermédiaire de La Poste au profit d’une aide directe aux journaux. But de l’exercice : sauvegarder la diversité des médias menacée par la concentration de la presse.
Tri obligatoire
La Commission des institutions politiques propose l’introduction d’un nouvel article constitutionnel (63 bis).
« La Confédération encourage la diversité et l’indépendance des médias. Ce faisant, elle tient compte de l’importance des médias pour la formation démocratique de l’opinion aux niveaux national, régional et local, ainsi que pour la cohésion sociale ».
Une loi est nécessaire pour la mise en œuvre de ce grand principe. Elle doit faire un tri entre les journaux dignes de soutien et les autres. La Commission propose de reprendre un certain nombre de critères déjà en vigueur dans le système des tarifs postaux comme le tirage ou le volume rédactionnel. Elle ajoute d’autres conditions.
n le journal ne doit pas être gratuit ;
n il devrait employer un nombre minimum de collaborateurs
n il devrait avoir une charte rédactionnelle
n il devrait se soumettre à un organe de médiation
n les rapports de propriété devraient être transparents
Pistes nouvelles
Le projet parlementaire n’est guère mieux accueilli que celui du Conseil fédéral. En passant de l’aide postale indirecte à l’aide directe, on renforcerait l’intervention de l’Etat sur la presse. Cette critique n’est pas convaincante. Avec l’un ou l’autre système on n’évite pas les choix.
L’intérêt du projet parlementaire est d’introduire de nouveaux critères pour l’octroi d’une aide. Tous ne sont pas bons. Pourquoi écarter les journaux gratuits et subventionner ceux qui sont financés à 80% par la publicité ? Pourquoi abandonner des titres trop modestes pour avoir «un nombre minimum de collaborateurs ?»
Les critères qualitatifs sont, en revanche, plus intéressants. L’exigence de transparence est difficilement contestable. L’obligation d’une charte rédactionnelle est déjà une règle paritaire reconnue dans la branche.
Dans sa réponse à la consultation, la Fédération suisse des journalistes propose d’autres exigences qualitatives. Pour obtenir un soutien fédéral, un titre devrait respecter les conventions collectives de la branche. Il devrait s’engager à respecter les «droits et devoirs des journalistes» qui représentent la charte déontologique de la profession. En imposant ces critères qualitatifs définis hors de son influence, l’Etat exercerait une influence acceptable.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!