Edipresse peut donc absorber le groupe Corbaz propriétaire de La Presse Riviera et de La Presse Nord Vaudois. En donnant son accord, la Commission de la concurrence (Comco) accepte de voir disparaître toute compétition sur le marché des quotidiens vaudois. Une alternative était pourtant à portée de main. Le groupe Hersant, nouveau venu en Suisse romande, était prêt à reprendre les deux titres de Corbaz. Avec La Côte qu’il détient déjà, le groupe français pouvait créer un pôle éditorial vaudois économiquement viable qui aurait fait un heureux contrepoids à la domination écrasante d’Edipresse.
La Commission de la concurrence semble avoir succombé au réflexe nationaliste. Hostile à l’intrus étranger, elle a donné sa préférence au monopole vaudois. Et pourtant la loi fédérale qui dicte son action ignore la notion de nationalité. Pour masquer son recul, la Comco pose d’apparentes conditions restrictives à Edipresse. Le groupe lausannois doit céder 4,5 % de ses actions au capital du Nouvelliste et quitter le conseil d’administration du journal valaisan. Le sacrifice est nul. Il ne remet en aucune façon en question la stratégie – très logique – de développement d’Edipresse en Suisse romande.
Le marché romand des quotidiens n’existe que pour deux titres : le haut de gamme occupé par Le Temps et le bas avec le Matin. Les autres titres «tous publics» ont une assise exclusivement cantonale. La Liberté est fribourgeoise, Le Quotidien jurassien ne quitte pas sa terre natale. Edipresse se désintéresse et se dégage de ces marchés secondaires pour se satisfaire – si l’on peut dire – des gros morceaux que sont Genève et Vaud ainsi que des deux titres à vocation romande.
Les contraintes économiques ne permettent pas de partager les marchés cantonaux. La fusion entre L’Impartial et L’Express en est la preuve la plus récente. Mais, par sa dimension, le canton de Vaud fait exception. A côté de 24heures, une presse locale a pu survivre à la Côte, sur la Riviera et au Nord vaudois. Le canton aurait donc pu se permettre le luxe de la diversité. Le pool des titres locaux envisagé par Hersant aurait permis la constitution d’une rédaction vaudoise qui aurait apporté une heureuse diversité pour le public. Il aurait aussi offert aux journalistes romands un employeur supplémentaire bienvenu.
En acceptant la fusion entre Le Nouveau Quotidien et Le Journal de Genève, la Commission de la concurrence faisait tout juste. Elle reconnaissait, pragmatiquement, qu’il n’y avait pas de place pour deux quotidiens haut de gamme sur le marché romand. En laissant aujourd’hui le champ libre à Edipresse en terre vaudoise, elle a failli à sa tâche qui est, faut-il le rappeler, de sauvegarder la concurrence.
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