Colère et stupéfaction. La Poste fermera quinze centres de tri et supprimera 3 500 emplois. L’entreprise, contrôlée par la Confédération, se conduit comme une froide multinationale à la recherche de rentabilité. Et bien oui ! Ainsi le veulent les lois votées il y a cinq ans par le Parlement fédéral. La Poste a pour seul mandat de fournir un service suffisant d’envoi et de paiement dans tout le pays. Elle doit équilibrer ses comptes et dégager des réserves pour financer ses investissements.
Les régies d’Etat, créées au xixe siècle, étaient tout autre chose. Avec l’armée, les PTT et les CFF, elles sont devenues le symbole de la nation. Leurs directeurs régionaux faisaient partie des notables. On leur attribuait un rôle économique central. Face aux aléas de la conjoncture, les entreprises d’Etat garantissaient une stabilité de l’emploi. Elles corrigeaient les mouvements centralisateurs du marché par une présence appuyée dans les régions périphériques.
La révolution des télécommunications et l’ouverture des marchés ont tout changé. La Poste était traditionnellement renflouée par les bénéfices du téléphone. Laissée seule, elle est contrainte de trouver une rentabilité. Au prix, s’il le faut, d’une rigoureuse centralisation. La loi le lui permet. La sauvegarde de l’emploi ne fait pas partie du mandat de La Poste. 3 500 emplois seront donc supprimés en cinq ans. Moritz Leuenberger s’est engagé à éviter tout licenciement. C’est équitable. On les a évités lors du sévère «dégraissage» des services de l’armée qui n’a pas, il faut le reconnaître, soulevé la même émotion que celui de La Poste. Le Conseiller fédéral socialiste ne veut pas aller au-delà. Le Conseil d’administration est maître, comme le dit la loi, de prendre les mesures propres à satisfaire aux exigences de l’économie d’entreprises. Ces exigences semblent universelles. A Paris, la centralisation projetée du tri postal vient d’entraîner une grève.
L’alternative existe. Renoncer d’abord à s’aligner sur l’Europe et refuser d’abaisser le poids des envois couverts par le monopole. Ce ne serait qu’un répit car les nouvelles technologies révolutionnent les entreprises de services. Il faudrait alors changer la loi, donner à La Poste un mandat plus large, de décentralisation et de sauvegarde de l’emploi, mais accepter aussi de couvrir les déficits, de verser des paiements directs comme pour les agriculteurs. Retrouver le paradis, mais en payer le prix.
On pourrait aussi s’interroger sur une politique de décentralisation économique plus volontariste de la Confédération, faite d’incitations fiscales, d’aide aux investissements pour l’implantation d’entreprises privées et de délocalisations des services de l’administration. AT
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