Coïncidence parfaite de propos contradictoires. Alors que Kaspar Villiger annonce de sévères coupes budgétaires pour respecter le frein à l’endettement, Romano Prodi donne sa bénédiction aux pays qui ne tiennent pas le Pacte de stabilité européen.
«Le Pacte de stabilité est un instrument stupide comme toutes les décisions qui sont rigides» a déclaré Romano Prodi, président de la Commission de Bruxelles pour justifier les déficits budgétaires de la France et de l’Allemagne. Les deux pays piliers de l’Europe ne parviendront pas à limiter leurs déficits publics à 3% du PIB, objectif imposé par le Pacte de stabilité qui lie les membres de l’Euro. Une maîtrise des dépenses publiques de douze Etats membres n’est certes pas une exigence stupide pour piloter le niveau de leur monnaie commune. Mais Prodi voudrait que l’instrument soit plus souple et puisse tenir compte des fluctuations conjoncturelles. Le mauvais climat économique devrait autoriser des entorses à la règle.
Plus souple, le frein aux dépenses voté il y a dix mois par le peuple suisse, dit vouloir respecter les exigences de la conjoncture. La Confédération doit atteindre l’objectif de l’équilibre budgétaire sur le long terme. Lorsque la croissance est supérieure à la moyenne, le niveau des dépenses doit être inférieur aux recettes et l’Etat doit créer des réserves. A l’inverse, les déficits sont autorisés dans les années difficiles à condition qu’ils soient comblés par des excédents dans les années favorables.
Ces principes, en apparence d’une grande sagesse keynésienne, doivent s’appliquer pour la première fois au budget 2003. Et c’est déjà l’impasse. En août, Kaspar Villiger présentait un budget équilibré. Deux mois plus tard, le projet ne tient plus la route. Le ralentissement économique, plus marqué que prévu, entraînera une baisse des recettes fiscales estimée à un milliard de francs et générera un déficit équivalent. En application du mécanisme du frein à l’endettement, les déficits sont possibles mais pour un montant de 320 millions seulement. Kaspar Villiger doit donc tailler dans le vif.
Nous en sommes là. Alors que l’on ne parle que de ralentissement économique et de progression du chômage, l’Etat central doit apporter sa pierre au ralentissement conjoncturel en diminuant ses dépenses. Le bel instrument souple et raisonnable du frein aux dépenses vendu l’an passé au peuple suisse se révèle d’une rigidité qui n’échapperait pas aux critiques de Romano Prodi. Le Parlement qui doit voter le budget en décembre prochain se trouve confronté à un pénible dilemme : violer un texte constitutionnel adopté massivement à 85% ou freiner encore une conjoncture anémique.
Le budget est le lieu de tous les arbitrages, un acte politique par excellence. La volonté de le gérer par des automatismes financiers est partout un échec. Le frein aux dépenses n’est en définitive qu’une vaine et lâche tentative des politiques de fuir leurs responsabilités. at
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