Quand le groupe français Hersant débarque sur la rive suisse du Léman puis à Neuchâtel, le petit monde de la presse romande s’interroge ou s’inquiète. Les premiers pas du nouveau venu sont plutôt rassurants.
En 2001, le puissant groupe Hersant, qui contrôle Le Figaro et une bonne partie de la presse régionale française, et notamment le journal local de Thonon, traverse le Léman. Il prend le contrôle du groupe qui édite le quotidien La Côte. D’emblée c’est la gamberge générale. En débarquant au beau milieu du territoire contrôlé par le Suisse Edipresse, le géant français de l’édition ne saurait se contenter d’absorber le petit poisson de Nyon et son imprimerie. Une première réponse tombe fin février 2002. Hersant achètera les deux quotidiens neuchâtelois. L’actionnaire majoritaire est décidé à vendre. Une incertitude demeure. Les actionnaires minoritaires du groupe neuchâtelois Ð et notamment Publicitas Ð contestent l’opération. Mais les opinions sont faites. Un nouvel acteur va animer le paysage médiatique romand. Les choses vont changer pour les concurrents, pour les médias partenaires, pour les journalistes salariés et bien sûr pour les lecteurs.
Abordage en douceur
Un premier pointage, sept mois après l’arrivée de Hersant à Nyon, permet d’apprécier la stratégie du groupe français. Elle se fait sur un mode conciliant et discret. Les journalistes de La Côte sont sous le charme. Le nouvel administrateur, un ancien confrère de la presse française, a rassuré l’équipe en place. Il s’est mis à l’écoute de chacun et n’a pas bouleversé les structures, le mode de travail ou l’orientation du journal. Les salaires inférieurs sont adaptés par étape aux minimaux des conventions collectives de la branche. A l’issue de cette adaptation, le journal pourrait abandonner son cheminement solidaire, rejoindre l’association des éditeurs romands et signer les accords contractuels. Encouragés par l’ouverture au dialogue du nouveau patron, les journalistes créent une société de rédacteurs.
Le même ton conciliant semble de mise à Neuchâtel. Le futur patron français de L’Express et de L’Impartial ne bouleversera rien. Il est satisfait de la synergie réalisée entre les deux titres et de leur orientation éditoriale. Les mêmes propos rassurants sont destinés aux éditeurs partenaires. Par l’accord « Romandie Combi », les quotidiens régionaux de Neuchâtel, Fribourg, Berne, Jura, du Nord Vaudois et du Valais peuvent échanger leurs contenus rédactionnels et forment un pool publicitaire. Hersant, c’est juré, ne remettra pas en question cette collaboration intercantonale.
Un troisième grand ?
L’arrivée en Suisse de Hersant désarme les premières critiques. Les responsables du groupe ont jugé qu’il ne fallait pas attaquer à la hussarde. On le comprend. En dehors des groupes Edipresse et Ringier, les structures de la presse romande sont dispersées et les collaborations distendues. Chaque récession publicitaire décèle les fragilités. On laisse entendre que d’autres éditeurs seraient à vendre. La Commission de la concurrence interdit à Edipresse d’accroître encore son poids dans le marché romand. Hersant, au contraire, peut acquérir d’autres titres avant d’être convaincu de position dominante. Le Français, murmure-t-on, attend les candidats en n’effrayant personne.
La création d’un troisième pôle dans l’édition romande pose évidemment les traditionnelles questions liées à la concentration de la presse. L’actuelle diversité est certainement liée à l’existence des cantons. Cette réalité est incontournable. Pour de simples raisons de marketing, il subsistera toujours des titres cantonaux. La seule question qui se pose est de savoir s’ils seront édités par un groupe unique qui diversifiera ses éditions ou par le maintien de la structure actuelle. La collaboration mise sur pied par « Romandie Combi » a permis aux titres régionaux de survivre à la précédente crise. Elle demeure insuffisante. Et laisse toutes ses chances au groupe Hersant. at
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