La mondialisation de l’économie n’est pas le grand Satan qui appauvrit les pauvres. Mais elle ne profite qu’aux riches. Un constat qui échappe aux analyses de la Banque mondiale et du FMI. Un économiste tire la sonnette d’alarme.
Les adversaires acharnés de la mondialisation ont tort. Les pauvres de la planète ne sont pas devenus plus pauvres. A l’appui d’une nouvelle analyse statistique très pointue, le professeur britannique Robert Wade conclut que l’évolution récente de l’économie à l’échelle planétaire n’a pas touché au niveau de vie des plus pauvres. Mais le FMI, la Banque Mondiale et autres organisations économiques internationales ont également tort. Les statistiques officielles tentent de démontrer que la mondialisation profite à l’ensemble de l’humanité, au tiers-monde comme aux pays riches. C’est vrai si l’on compare les revenus nationaux moyens. Mais ces moyennes sont trompeuses. Elles cachent des écarts énormes entre riches et pauvres à l’intérieur des pays.
Ville et campagne
La Chine et l’Inde fournissent un exemple frappant. Dans ces grands pays, qui regroupent 40 % de la population du globe, les régions urbaines s’enrichissent à une vitesse vertigineuse. Le niveau de vie y atteint celui de la Russie. Ces performances dopent les moyennes nationales. Mais les vastes zones rurales ne progressent pas d’un pouce. Pire, la horde des misérables grandit avec l’accroissement de la population. Les très pauvres ne deviennent pas plus pauvres, mais plus nombreux ! Dans les pays africains, l’écart se creuse entre la société traditionnelle et les privilégiés du régime qui roulent en Mercedes et affichent un luxe à l’occidentale. En lisant les statistiques du professeur Wade (établies sur une période de six ans au tournant des années nonante), on constate que 85 % des habitants de la planète n’ont profité en rien de la prospérité mondiale de ces années fastes.
Feu vert des élites
Les dirigeants du tiers-monde sont favorables à la mondialisation organisée selon le modèle proposé par les nations riches. C’est pourquoi les organisations économiques internationales rencontrent un large consensus autour de leur doctrine libérale. Pour preuve, la Chine a âprement sollicité et obtenu son entrée à l’OMC. Les privilégiés urbains y trouveront leur compte. Mais eux seulement. Pour le professeur Wade, cette mondialisation qui creuse les inégalités est une mécanique pernicieuse. Comme le réchauffement de la planète dont les effets invisibles seront catastrophiques à long terme, les inégalités grandissantes deviendront socialement et politiquement explosives. Les indices de tempête existent déjà. Les pays les plus inégalitaires sont aussi les plus instables et les plus violents. Les pauvres qui, dans la rue et par les médias apprennent à connaître les délices de la consommation à l’occidentale, ne cherchent qu’à migrer vers les pays riches. La mondialisation a ouvert les frontières aux services et aux biens. Malgré tous les barrages policiers, elle ne peut contenir la circulation des personnes.
Dilemme libéral
Le constat, difficilement contestable trouble les mondialistes. L’hebdomadaire britannique The Economist, qui reproduit l’étude du professeur Wade, reconnaît que les penseurs libéraux, à la Banque mondiale et ailleurs, ont longtemps considéré que la croissance diminue la pauvreté ; qu’un système qui augmente globalement la richesse mondiale est un bon système. Ils ont négligé de prendre en compte les inégalités destructrices de la cohésion sociale. Dès lors, faut-il freiner la globalisation pour éviter que ne se creusent les inégalités ? Le journal libéral estime qu’il ne faut pas empêcher les riches de devenir plus riches par les vertus de la mondialisation. Il faut au contraire aider les pauvres à sortir de la pauvreté. Programme attrayant mais bien vague ! A mettre en discussion d’urgence dans les organisations internationales. at
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