L’Europe, qui a banni les hormones de croissance dans ses élevages, frappe d’embargo le bœuf américain gonflé aux hormones. La guerre est déclarée entre Bruxelles et Washington au sein de l’Organisation mondiale du commerce. La Suisse, qui interdit également les hormones, préfère tolérer les importations. Pour ne pas indisposer la puissante Amérique.
Le bœuf aux hormones est une querelle vieille de plus de dix ans. Elle a débuté le jour où Bruxelles a décidé d’interdire les hormones de croissance dans l’alimentation animale. L’Europe connaissait alors d’importants excédents de viande bovine. L’interdiction du dopage avait le double avantage de freiner la production et de faire plaisir aux consommateurs méfiants à l’égard d’une viande artificiellement gonflée. Logique avec sa décision, Bruxelles interdisait parallèlement l’importation de bœuf aux hormones, notamment en provenance des États-Unis.
D’interdiction en rétorsion
Mécontents, les Américains ont riposté à coup d’expertises scientifiques. Pour eux, la viande d’animaux engraissés aux hormones ne présente aucun danger pour les consommateurs. Dès lors, l’interdiction d’importation d’une viande parfaitement saine n’est qu’une vulgaire mesure de protection commerciale. Les nouvelles règles du commerce international introduites en 1995 ont permis à Washington d’attaquer Bruxelles pour entrave aux échanges. L’OMC a donné provisoirement raison aux Américains, mais a accordé à Bruxelles un délai pour apporter la preuve scientifique des dangers de la viande aux hormones. Le délai est maintenant échu. Sur la base d’expertises encore provisoires, les Européens affirment détenir des preuves du risque cancérigène de la viande aux hormones. Bruxelles maintient donc son embargo. Washington conteste ces conclusions et promet, en guise de rétorsion, de fermer ses frontières à toute une série de produits européens. Nous en sommes là.
Ambiguïté helvétique
Plus rigoureuse que l’Europe, la Suisse a banni les hormones de croissance depuis plus de trente ans. Le scandale des poulets aux hormones éclatait dans les années soixante. C’est l’époque où l’on découvrait les miracles de l’élevage intensif. Et ses graves abus. Les éleveurs implantaient dans le cou des poulets des doses massives d’hormones qui se retrouvaient dans l’assiette des consommateurs. Avec, semble-t-il, de bizarres conséquences, comme la croissance des seins des consommateurs mâles trop amateurs de poulets ! Par prudence, Berne décrétait alors l’interdiction totale des hormones dans l’élevage, aussi bien en injection directe que dans les aliments du bétail. Mais par une autre prudence, de nature commerciale, la Suisse renonçait à interdire l’importation de viande aux hormones. Situation ambigu‘. La viande étrangère aux hormones semblait donc moins suspecte que la suisse !
La législation est la même depuis trente ans. Et Berne ne voit pas de raison d’en changer. Les experts fédéraux semblent convaincus, comme les Américains, que l’adjonction d’hormones dans l’alimentation du bétail ne laisse aucune trace dans la viande. On pourrait donc, sans danger pour la santé humaine, lever l’interdiction décrétée dans les années soixante. Mais ce serait soulever une vague de protestation des consommateurs et autres écologistes. En revanche, rien n’impose, pour la Berne officielle, de suivre l’Europe dans son bras de fer avec les États-Unis. Ce serait ouvrir sans raison la porte aux rétorsions économiques.
Menace de boycottage
L’actualité du conflit sur le bœuf aux hormones réveille cependant de vieilles rancœurs. Les producteurs de bétail de boucherie de la Suisse romande demandent à Berne d’interdire la scandaleuse importation de viande aux hormones qui fait une concurrence déloyale à la production suisse privée de l’avantage des incitateurs de croissance. De leur côté, les organisations de consommateurs exigent que l’on applique le principe de précaution. Puisqu’il y a controverse entre les scientifiques européens et américains, il faut éclairer le choix des consommateurs et exiger un étiquetage clair avec l’indication de provenance et la mention expresse « garantie sans hormone de croissance ». Si elles n’obtiennent pas satisfaction, les organisations de consommateurs menacent de lancer une consigne de boycottage du bœuf américain. Avec la bénédiction des agriculteurs suisses. at
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