En menaçant de boycotter les intérêts américains en général et les asperges californiennes en particulier, les parlementaires libéraux et radicaux auraient donc sauvé les intérêts des banques suisses menacées de graves sanctions. La fermeté aurait payé face aux Yankees qui ne connaissent que le langage de la force. Joli coup politico-économico-médiatique ? Certainement pas.
Constatons tout d’abord que les Américains n’ont abandonné aucune de leurs revendications. Les trois grandes banques suisses ont simplement cédé en acceptant le principe d’un accord global pour indemniser les victimes de l’holocauste. Saisies d’une demande d’indemnisation de 20 milliards de dollars, elles ne voulaient pas prendre le risque d’une longue et incertaine procédure devant les tribunaux américains. Il serait naïf de croire que des parlementaires suisses aient pu faire reculer des avocats new-yorkais rompus à l’exercice de l’intimidation à coups de milliards.
L’intervention parlementaire est une mauvaise opération parce qu’elle laisse croire qu’un petit pays comme la Suisse peut se permettre de jouer à armes égales dans la cour des grands. Mais on le sait bien : il serait suicidaire d’engager une guerre commerciale à coup de sanctions avec un adversaire de la taille des États-Unis. En jouant les matamores, les parlementaires ont alimenté l’idée fausse que la Suisse souveraine est assez forte pour triompher, seule et fière, de toutes les menaces économiques.
L’intervention des parlementaires est aussi un mauvais coup parce qu’elle a identifié intérêts bancaires et intérêts nationaux. La défense des banques a pris l’allure d’une campagne nationale, voire nationaliste. Et le résultat ne s’est pas fait attendre. Pourquoi donner deux fois ? Dès le moment où les banques Ð donc le pays Ð décident de faire un geste global en faveur des victimes de l’Holocauste, la Fondation de solidarité est remise en cause. La droite radicale peut donc rivaliser avec l’UDC dans son hostilité à la Fondation proposée par Arnold Koller.
Et pourtant, les vertus de la Fondation sont nombreuses. Techniquement, c’est une manière fort habile d’utiliser sans danger inflationniste le produit de la revalorisation de l’or de la Banque nationale. Politiquement, c’est redonner à la Suisse l’image d’une nation solidaire et non d’un pays égoïstement assis sur ses lingots d’or. En comparaison, l’accord global consenti par les banques suisses, même calculé généreusement, ne sera jamais autre chose qu’un rachat des fautes commises pendant la guerre. La Fondation de solidarité, l’une des belles idées politiques de la Suisse d’après-guerre, se dissout dans une médiocre sous-enchère politicienne. AT
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