Double menace en ce mois de janvier contre les laborieuses négociations bilatérales avec Bruxelles. Les transporteurs routiers de l’ASTAG, épaulés par le gourou anti-européen Blocher et suivis par une partie du patronat, lancent un référendum contre une taxe poids lourd massive. Simultanément, les écologistes de l’ATE annoncent le lancement d’un référendum si le Conseil fédéral use de la marge de manœuvre que lui a donnée le Parlement, en fixant une taxe trop légère, inférieure à 400 francs pour une traversée de la Suisse.
Christoph Blocher est fidèle à lui-même. Il tire contre tout ce qui rapprocherait la Suisse de l’Europe. Les référendaires, de droite comme de gauche, sont en revanche dans la plus parfaite incohérence. Ils se déclarent favorables à l’Europe, mais refusent ce qui permettrait à la Suisse de faire un premier pas en direction de Bruxelles.
Charles Friderici, président de l’ASTAG et conseiller national libéral Ð parti qui s’affiche clairement européen Ð sait parfaitement que, sans la taxe poids lourd, le Conseil fédéral ne peut rien conclure. Ou alors en modifiant l’article 36sexties de la Constitution, introduit par l’acceptation de l’Initiative des Alpes. Car l’obligation faite par l’initiative ne peut être remplie qu’en introduisant une lourde taxe dissuasive sur le trafic routier. En cas de succès, le référendum de l’ASTAG contraindrait le Conseil fédéral à interrompre les négociations avec Bruxelles au minimum jusqu’en l’an 2000 et même au-delà.
Les contradictions des écologistes de l’ATE sont plus évidentes encore. Ils fixent un montant de redevance déjà refusé par les ministres européens des transports. Comment imaginer qu’un petit lobby helvétique, si sympathique soit-il, puisse faire plier les représentants de quinze États ? Parce qu’ils ont la fibre européenne, les dirigeants de l’ATE proposent, bons princes, de conclure les négociations bilatérales en mettant simplement de côté le dossier des transports routiers. Naïveté coupable ! Dans ses rapports avec la Suisse, l’Europe s’intéresse prioritairement, voire exclusivement, au passage des Alpes. On ne doit pas ignorer cette constante géographique et historique. Soyons en certains : les quinze ne concéderont rien à la Suisse avant d’avoir obtenu un accord dans le secteur des transports.
La Suisse doit se rendre, modestement, à l’évidence. Elle ne saurait forger le reste du continent à son image. Tout rapprochement avec Bruxelles impose des abandons. L’ignorer ou feindre de l’ignorer n’est que dilettantisme politique ou tromperie. Blocher tente d’abuser les citoyens par sa propagande grossièrement truquée. Les fossoyeurs des négociations bilatérales qui se prétendent pro-européens ne font pas mieux. AT
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