Les Suisses se prononceront le 10 juin prochain sur l’abrogation de l’article constitutionnel qui soumet la création d’un évêché à l’approbation du Conseil fédéral. Un lecteur explique son opposition à la proposition du Conseil fédéral.
La conseillère fédérale Ruth Metzler a déclaré « que l’Eglise catholique est victime de discrimination du fait de cet article constitutionnel ». C’est faux puisque l’article sur les évêchés parle
« d’approbation » et non pas d’autorisation. Pour qui connaît un peu le bon langage, il y a une grande différence sémantique ! Cet article n’interdit quoi que ce soit à l’Eglise catholique. Chaque fois que cette Eglise a demandé une approbation pour ouvrir un nouvel évêché comme ce fut le cas en 1876 pour l’Eglise catholique-chrétienne et en 1971 pour l’évêché catholique-romaine de Lugano, l’autorisation fut accordée.
L’Eglise catholique, une dictature théocratique
Il ne s’agit pas plus de soumettre l’Eglise catholique au contrôle de l’Etat Ð comme d’aucunes ou d’aucuns voudraient le faire accroire Ð mais d’un article servant à bien préciser les rapports Etat et Eglise catholique en matière de juridiction civile. La structure de l’Eglise catholique est totalement différente de celle des autres Eglises. Du point de vue du droit international, le pape n’est pas seulement le chef spirituel de l’Eglise catholique romaine, mais aussi et avant tout, le chef temporel de l’Etat du Vatican.
Il s’agit d’un exemple unique au monde d’une dictature théocratique Ð régime politique dans lequel le pouvoir est considéré comme venant directement de Dieu, et exercé par ceux qui sont investis de l’autorité religieuse. A partir de là, elle ne respecte ni dans sa forme ni dans son action, aucune des règles du fonctionnement démocratique de l’autorité civile.
L’évêque n’est pas seulement un dignitaire religieux mais aussi un fonctionnaire d’un Etat étranger, échappant ainsi par définition à une quelconque sanction démocratique de ses actes.
Rappelons que deux évêques, il n’y a pas longtemps, on fait valoir leur « extra-territorialité » pour échapper aux lois du pays dans lesquels ils résidaient : l’Italie pour Marcinkus dans la faillite de la banque Ambrosiano et l’évêque de Naples, Giordano, accusé d’usure par un tribunal de la péninsule.
Pour éviter ce genre de dérive, l’article sur les évêchés doit être maintenu. Mais l’Eglise catholique est aussi favorisée à un échelon supérieur puisque c’est la seule Eglise qui a une représentation diplomatique, la nonciature, au plan fédéral. Et le nonce apostolique n’est ni plus ni moins que l’ambassadeur du Vatican à Berne. Or, le rôle de l’ambassadeur est celui de représentant d’un Etat. Il n’a rien à voir avec le bon Dieu, son rôle est purement terrestre.
Constitution trop consensuelle
Avec cette votation, nous avons aussi la preuve que la révision de la Constitution était consensuelle à l’extrême. Pourquoi n’avoir pas introduit un article général qui mettait sur pied d’égalité toutes les religions, puisque notre Etat est un Etat laïc, même si certains refusent de l’admettre ? La France a, par exemple, un article unique et très court : « la loi ne reconnaît ni ne salarie aucun culte » une formule qui définit la séparation nette et définitive entre l’aspect privé qui est celui de la croyance ou de l’incroyance et le domaine de la religion en tant qu’institution publiquement constituée.
Enfin, quelque article que l’on introduise dans une loi ou une Constitution, encore faut-il que le pouvoir politique chargé de le faire respecter le respecte ; à l’évidence ce n’est certainement pas souvent le cas.
André Sprenger
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