Les tentatives visant à assouplir les règles du travail de nuit et dominical se multiplient. On ne compte plus les débats cantonaux et fédéraux sur le sujet. Une récente intervention au Conseil National de Filippo Leutenegger, radical zurichois, a ouvert un nouveau terrain de bataille, concernant cette fois-ci les livreurs de plats à domicile (plus précisément les «livreurs de pizza»). Il s’agirait de libérer ces entreprises de l’obligation de demander des autorisations pour le travail de nuit et du dimanche, ainsi que de la limitation à minuit en semaine et une heure du matin, le vendredi et le samedi.
Cette approche peut paraître limitée et sans grand impact mais on doit la considérer dans sa subtilité. Qui contestera en effet la légitimité de commander une pizza en pleine nuit, tout en regardant à la télévision un héros de fiction américaine prendre son téléphone pour demander une margherita ? L’image est devenue courante. Le Conseil fédéral suit et, répondant favorablement, promet une modification de l’ordonnance concernée (OLT 2) pour cet été.
Pour justifier la modification de la loi, une analogie trompeuse est utilisée. Ne faudrait-il en effet pas assimiler ces «nouvelles formes de gastronomie» à des cafés-restaurants (non soumis aux demandes d’autorisation) plutôt qu’à des prestataires de service ? La différence est pourtant fondamentale. Un restaurant ou un café sont des services qui contribuent à l’occupation et à l’animation de l’espace public, surtout quand une majorité des personnes ne travaillent pas. Le rôle de ces lieux de sociabilité n’est pas à démontrer. Ils font partie de notre manière de vivre ensemble et personne ne conteste leur ouverture pendant les heures et jours consacrés aux loisirs et au repos.
La livraison à domicile, en tant qu’activité commerciale, ne concerne que l’espace privé. On ne saurait affirmer que ce «nouveau besoin de la société» soit prioritaire par rapport à la protection des travailleurs. En modifiant le statut de la livraison de plats à domicile, le gouvernement ouvre simplement une porte supplémentaire à des autorisations plus générales du travail de nuit et du dimanche. Car où s’arrêteront les analogies ? On aura beau jeu d’invoquer l’égalité de traitement pour étendre les autorisations à toute une série d’autres services considérés comme de nouveaux besoins. Cette simple modification d’une ordonnance ressemble fort à un cheval de Troie. os
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