Un débat récurrent occupe les médias : faut-il oui ou non mentionner la nationalité ou l’origine des auteurs présumés de crimes ou délits ? Il y a un mois, dans l’émission de la TSR Mise au point, les partisans du «non» faisaient remarquer qu’il est inutile de stigmatiser une population si la nationalité ou l’origine ne sont pas des faits significatifs dans une affaire de ce type. Les partisans du «oui» estimaient, quant à eux, que l’on ne peut pas toujours publier ce qui plaît et qu’il faut éviter de verser dans le politiquement correct. La population a le droit de savoir. Faudra-t-il un jour taire le sexe d’un ou une criminelle parce que c’est discriminatoire ? La nationalité (voire même la couleur de peau, pour le rédacteur en chef du Matin qui justifie cette précision en disant que c’est également un élément de compréhension dans le domaine du sport ?), en tant qu’elle est un facteur explicatif, devrait donc être mentionnée.
Quelle politique d’information faut-il donc choisir ? Tout d’abord, il est évident que le principe de transparence a un certain nombre de limites, en particulier liées au respect de la sphère privée. Toutefois, on ne voit pas pour quelle raison il faudrait occulter des informations que les lecteurs ou spectateurs apprendront probablement par le biais d’autres sources moins recommandables, la rumeur ou le «on-dit». Ce serait partir du principe que la population n’est pas capable de discernement et cela n’est pas souhaitable. De plus, si le rôle des médias se limite à évoquer l’existence d’un délit ou d’un crime, sans autres précisions, autant renoncer à en parler. Il n’est d’ailleurs pas certain que la qualité générale des nouvelles y perdrait.
La nationalité n’explique pas tout
D’un autre côté, si les journalistes publient ce genre d’informations en évoquant la nationalité ou l’origine et se justifient en parlant de facteurs significatifs ou explicatifs, ils seraient plus honnêtes s’ils faisaient également figurer systématiquement dans leurs articles d’autres précisions : situation familiale, lieu d’habitation, catégorie socio-professionnelle, niveau de revenu, par exemple. Sinon ils décident implicitement (d’autant plus quand la nationalité apparaît déjà dans le titre ou le chapeau d’un article), sans aucune base scientifique, que le facteur national (ou «ethnique») est seul ou en majeure partie déterminant. Ce qui est faux, du point de vue de la criminologie, et occulte des éléments plus pertinents. Quand 24 heures (19 novembre 2003) justifie sa position de publier l’information en écrivant que la recherche de vérité, en matière de faits divers, «s’incarne en des personnes qui ont un sexe, un âge et une nationalité», on s’inquiète de voir à quoi peut se réduire un être humain et des situations pourtant toujours complexes. L’information est, dans ce cas, clairement lacunaire.
En Suisse, la criminalité n’est pas le fait majoritaire des étrangers mais des catégories de population les plus défavorisées. «Les risques qui sont à l’origine de la criminalité sont particulièrement grands lorsque plusieurs facteurs sont réunis : un statut social bas, une désintégration sociale, une mauvaise formation et des perspectives d’avenir minimes» (www.snf.ch/ fr/ com/prr/prr_arh_00jun20.asp, Fonds national suisse de la recherche scientifique, communiqué de presse du 20 juin 2000). Ce genre de données, ainsi que la forte proportion de jeunes hommes parmi les étrangers, permet d’expliquer, en grande partie, leur surreprésentation dans les statistiques de délinquance et criminalité. C’est peut-être cela qu’il faut dire et répéter. Informer, oui, mais complètement.
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