Au lendemain du résultat du premier tour des élections présidentielles françaises et du séisme Ð selon le mot utilisé dimanche dernier Ð qui ébranle la France entière, personne, à part peut-être des électrices et des électeurs regrettant l’éparpillement de leur voix, ne s’est senti vraiment responsable du score inattendu du candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen.
Et surtout pas les instituts de sondage qui ont été omniprésents comme jamais durant ce premier tour. C’est eux qui ont rythmé la campagne, qui ont donné du sens à des gestes ou des paroles politiques qui n’en avaient peut-être pas, qui ont occupé le terrain médiatique, quasi à égale valeur avec les candidats. Arlette Laguiller est à 10% d’intentions de vote, elle passe dans Gala. François Bayrou donne une claque à un jeune «sauvageon», il remonte de 2%. Bernadette visite un centre médico-social et Chirac se hisse à 19%.
Au final pourtant, et malgré des prévisions quotidiennement publiées, les instituts de sondage se sont lamentablement trompés; ils ont annoncé comme inévitable un duel Chirac-Jospin au deuxième tour, ils n’ont pas alerté l’opinion sur la force de Le Pen, qui, discret lors de cette campagne du premier tour, préparait sa revanche.
Du coup, les électrices et les électeurs se sentent floués, ils ont le sentiment d’avoir été manipulés. A juste titre. Mais les instituts de sondage se drapent dans leur dignité. Et continuent de distribuer leurs sentencieux commentaires. C’est aux électeurs de voter, disent-ils, c’est de leur faute si tout ça est arrivé. Et d’ailleurs ils n’ont jamais affirmé qu’ils détenaient la vérité, ce n’était que des indications, pas des prédictions, etc., etc.
De deux choses l’une. Soit les sondages sont d’une réelle utilité pour la qualité de l’information et du débat démocratique; dans ce cas-là, ils devraient reconnaître leur responsabilité dans l’onde de choc qui secoue le paysage politique français. Soit alors leurs «indications» ne sont pas à prendre au sérieux, ni par les électeurs, ni par les formations politiques, ni par les médias. Et alors, ces oracles devraient se replier vers des activités moins déterminantes pour l’exercice de la démocratie. Par exemple, combien de Français font-ils désormais confiance aux instituts de sondage ? gs
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