Le monde politique hésite, se tâte, s’interroge : faut-il oui ou non exiger une commission d’enquête parlementaire afin de faire la lumière sur la débâcle de Swissair ? L’UDC la réclame à grands cris, le PDC la demande poliment, les radicaux, l’air innocent, n’en voient pas la nécessité et le parti socialiste est divisé. Les prises de positions politiques s’expliquent aisément : les démocrates du centre et les démocrates chrétiens n’ont aucun représentant « mouillé » dans l’affaire alors que radicaux et socialistes craignent de voir l’un des leurs cloué au pilori.
L’idée d’une commission d’enquête parlementaire ne date pas d’aujourd’hui. On l’évoque régulièrement quand il y a crise grave. Sur les trois commissions nommées par le Parlement, deux ont laissé des traces durables dans l’histoire de la Suisse.
La commission d’enquête parlementaire qui s’est penchée sur l’affaire des Mirages, en 1964, a contraint le Département militaire à une plus grande transparence financière. La seconde avait pour tâche, en 1990, de faire la lumière sur des pratiques administratives ayant permis de ficher des milliers de citoyens.
La débâcle de Swissair n’est pas moins importante pour la Suisse. Les répercussions économiques, diplomatiques et sociales entraînent le pays vers un profond examen de conscience. Et le sauvetage, in extremis, d’une compagnie privée par la Confédération ne signifie pas, qu’en plus, on fasse crédit aux responsables politiques et économiques d’une critique de l’exercice.
Il ne s’agit pas de régler des comptes, comme le craignent radicaux et socialistes. Il ne s’agit pas de « charger» Moritz Leuenberger ou qui ce soit d’autre, mais bien de dégager les erreurs de gestion afin de ne pas les répéter, comme, au moment d’un crash d’avion, on recueille boîte noire et débris afin de comprendre les causes de l’accident.
Bien sûr, la procédure pénale en cours déterminera les responsabilités des membres du Conseil d’administration de Swissair. Bien sûr, les commissions de gestion du National et des Etats devront examiner, dans le détail, le suivi administratif et politique du dossier. Mais reste à une commission d’enquête parlementaire un champ de responsabilités à dégager, que, respectivement ni la justice, ni le Parlement ne peuvent toucher.
La création d’une commission d’enquête parlementaire revêt une forte connotation symbolique. Cela évoque le geste national, la levée des secrets d’Etat, le grand nettoyage. Elle convoque le pays à la critique de son fonctionnement démocratique. L’examen est nécessaire, pour la population appelée à la rescousse d’une entreprise privée, comme pour le Conseil fédéral qui doit, sans tarder, réfléchir à sa manière de gérer les crises. GS
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