Le licenciement de Jacqueline Fendt de la direction générale d’Expo. 01 s’ajoute (provisoirement ?) à la liste des démissions successives qui ont jalonné la mise sur pied de la manifestation. Comme pour les départs précédents, on ne saura vraisemblablement rien des raisons qui ont amené les quatre directeurs adjoints à demander la tête de leur cheffe.
Cette exposition nationale, le Conseil fédéral l’a voulue, souhaitant sans doute ponctuer, comme par le passé, notre identité collective. L’ambition n’est pas négligeable. Les expositions précédentes ont laissé des traces, ne serait-ce que dans le paysage. Aux valeurs-hérisson de la Landi de 1939 se sont opposés les postulats urbanistiques de Max Frisch. En 64, l’aménagement du territoire, la croissance démographique constituent les thèmes centraux de l’Expo. Dans les deux cas, le débat fut aussi intéressant que les réponses ; l’expo a suscité contre-projets, résistances et oppositions : l’utopie résiste au catéchisme de la Suisse officielle.
Rien de tout cela aujourd’hui. Il ne peut y avoir contestation, s’il n’y a pas de contenu. Reste aussi à inventer le langage qui permettrait, dans un espace et dans un temps choisi, de fédérer population, milieux artistique, politique et économique. Il y aurait pourtant beaucoup à faire et à dire, à l’heure où les grands mythes chantés lors des précédentes expositions s’effondrent, se transforment, se heurtent.
Or jusqu’à présent, rien ne permet de penser que l’Expo. 01 devienne un espace possible, permettant d’inventorier les pistes pour dessiner la Suisse de demain. De la cuisine spontanée de Pipilotti Rist au départ crispé et solitaire de Jacqueline Fendt, tout reste désespérément opaque. Selon quels critères les projets ont-ils été retenus ? Pourquoi le projet émanant du monde agricole a-t-il été rejeté ? De quoi veut-on parler, de quoi va-t-on débattre ? On avait annoncé une Expo. 01 postmoderne. Qu’est-ce que ça veut dire ? Le mot divise les milieux artistiques, on imagine qu’il fasse frémir les milieux économiques ? On avait annoncé une Expo. 01 centrée sur l’humain. Or c’est en réalité la vision d’un individu privatisé qui s’impose, comme si le Suisse hérisson de demain remplaçait la Suisse hérisson d’hier.
Alors on panique, alarmé par un baromètre considéré comme infaillible : la tiédeur des milieux économiques. Et quand on panique, on tente trois approches pour se rassurer : on engage des réformes structurelles, on fait appel à des personnalités issues de l’armée, dans une sorte de retour à une sécurité intérieure light, ou on cherche l’homme providentiel. Mais quelles que soient les solutions retenues, quelle que soit la composition de la nouvelle organisation, tout ne sera pas résolu : l’Expo. 01 a besoin de transparence et surtout de lignes directrices claires. Pour que le contenant trouve enfin du contenu. GS
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