Un an, quasi jour pour jour, après la présentation du projet d’assurance maternité du Conseil fédéral, le Conseil des États va se prononcer sur le sujet. Mais qu’est-ce qu’un an en regard des cinquante-trois ans de tergiversations et de moratoire social ?
Si je veux, où je veux, quand je veux. La droite patronale et politique aura parfaitement assimilé le slogan des féministes des années soixante-dix.
Pour la première fois dans l’histoire, cinquante-trois ans après l’adoption de l’article constitutionnel sur la protection de la famille, le Conseil des États se décide enfin à débattre, probablement les 23 et 24 juin d’un projet d’assurance maternité.
Il aura fallu pour cela l’obstination des femmes et des associations féministes, et le patient acharnement de Ruth Dreifuss, qui réussit, après quatre ans de négociations, à faire adopter à ses collègues un compromis acceptable, susceptible de passer le cap parlementaire. En juin 1997, le Conseil fédéral propose une assurance perte de gain pour toutes les mères qui exercent une activité lucrative ( salariée ou indépendante ). Cette assurance compenserait 80 % du salaire pendant quatorze semaines. Le revenu maximum pris en compte pour le calcul de l’indemnité aurait été de 97 200 francs. Afin d’estimer les coûts, l’Office fédéral des assurances sociales ( OFAS ) a calculé que deux tiers des mères des 81 000 bébés qui naissent chaque année exercent une activité lucrative. Sur cette base, le coût de cette assurance maternité pour perte de gain se monte à 435 millions par année.
S’ajoute à cela une prestation de base dont bénéficieraient toutes les mères et qui correspond au maximum à 4000 francs, c’est-à-dire environ quatre fois la rente mensuelle minimale AVS. Ce complément serait accordé jusqu’à concurrence d’un revenu de 35 820 francs puis diminué progressivement jusqu’à un revenu maximum de 71 640 francs. Il entraînerait un coût supplémentaire de 58 millions. Coût total de l’opération : 493 millions. Le Conseil fédéral envisageait un financement par un prélèvement salarial de 0,2 % à charge paritairement des employeurs et des salariés. Quant à la prestation de maternité, il était prévu de la financer par des contributions fédérales provenant des recettes fiscales.
Dès sa publication, ce projet a suscité le tollé des milieux patronaux qui ont déclaré aussi sec un moratoire social, même si le projet du Conseil fédéral n’entraînait globalement pas de charges supplémentaires pour les entreprises, et le net refus des radicaux et démocrates du centre, ( voir DP 1306, 3 juillet 1997 ).
Un nouveau projet
Aujourd’hui, la Commission du Conseil des États, chargée de cette question ne s’oppose pas aux prestations Ð 80 % du salaire sur 14 semaines, prestation de base pour les mères Ð mais elle propose un financement différent, susceptible de faire consensus. Au lieu du supplément de cotisations de 0,2 %, il prévoit un fonds commun pour allocations perte de gain des militaires ( APG ) et pour celles des mères. Les réserves engrangées dans la caisse des APG devraient, dans un premier temps, suffire à financer les allocations de perte de gain pour les mères. Pour la suite, la commission a prévu deux nouvelles dispositions. D’une part le relèvement du taux de la TVA, destiné à long terme au financement des assurances sociales ; d’autre part, si le peuple refuse une augmentation de la TVA, la Confédération aura alors toute compétence pour augmenter les actuels 0,3 % pour les APG à 0,4 ou 0,5 %.
Une solution bancale
La solution proposée au Conseil des États est un minimum, bien en deçà de toutes les prestations versées dans les États de l’Union européenne. Une compensation de 100 % du salaire sur quatre mois, telle que présentée dans l’avant-projet de 1994, aurait été une solution équitable et méritée. La proposition actuelle a de plus le défaut d’instaurer un mode de financement bancal et incertain. Pomper sur les réserves de l’APG, ressortir l’hypothétique vache à lait TVA, ou à défaut une éventuelle augmentation du taux de cotisation de l’assurance perte de gai n : l’équilibre financier paraît bien fragile pour une assurance dont l’utilité est inscrite dans la Constitution.
Mais le projet a une grande qualité : il fait consensus. Et les patrons Ð alléchés par les avantages qu’ils pourront tirer d’une solution légale Ð ont momentanément baissé les armes. Après cinquante-trois ans d’attente, ce n’est déjà pas si mal. gs
L’assurance maternité en quelques dates
¥ 1864. Le canton de Glaris impose Ð il est le premier état européen Ð un arrêt de travail avant et après l’accouchement.
¥ 1945. Le Parti populaire conservateur lance une initiative « Pour la famille » qui demande entre autres une limitation des causes de divorce. Le contre-projet du CF est l’actuel article 34quinquies de la Constitution qui donne mandat à la Confédération d’instituer une loi sur l’assurance maternité.
¥ 1978. L’initiative « Pour une protection efficace de la maternité » est lancée par diverses organisations ( PSS, USS, MLF, PST, etc. )
¥ 1984. Rejet de l’initiative « Pour une protection efficace de la maternité ».
¥ 1986. La commission consultative du Conseil des États approuve une nouvelle solution : le droit à l’indemnité journalière lors du congé maternité sera réglée selon les dispositions supplémentaires de l’Ordonnance sur l’allocation pour perte de gain ( APG )
¥ 1987. Les deux Chambres adoptent la révision de la Loi sur l’assurance maladie et les prestations en faveur de la maternité. L’USAM lance un référendum contre la LAMM. Le 6 décembre 1987, le peuple rejette la Loi sur l’assurance maladie et maternité.
Alain Aebi et alii, La politique familiale et son arlésienne : L’assurance maternité, IES, 1994
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