Les éditions de l’Aire publient deux opuscules : l’un sur la librairie, l’autre sur l’imprimerie. Une occasion de célébrer l’imprimerie, ses savoir-faire et la fin des années de plomb.
Dans l’imprimerie de mon père, il y avait encore, posées dans un coin à l’ombre des machines noires, les casses abritant les lettres de plomb. La typographie au plomb s’est arrêtée dans les années 70, elle est remplacée par la lumière de la photocomposition, puis par les ordinateurs. Et, fondus dans les cinq siècles de l’histoire de l’imprimerie, des savoir-faire sont morts.
Les typographes entre modernité et tradition
Un petit livre publié aux éditions de l’Aire, Célébration de l’imprimerie, ravive notre mémoire. On y apprend l’histoire des caractères et leur enracinement aux peuples et aux époques qui les ont vus naître. Ainsi, un maquettiste français raconte : « pour moi, le Didot ( créé en 1800 ) est le caractère de la Révolution. Par son dessin, il est le tranchant même de la guillotine. Il est fait avec les lames noires. Les pleins sont les lames et les déliés, les maigres sont les tranchants des lames. » Ë l’orée des livres publiés, l’imprimerie et ses techniques nous sont racontées, un ancien imprimeur parle de son métier à son petit-fils : « Aujourd’hui, alors que la typographie a disparu, je suis heureux d’avoir fait partie du monde de l’imprimerie. Non pas que les gens du plomb aient été différents des autres. [ ?]
» Non, mais si l’imprimerie a d’abord donné aux typographes des pratiques et un jargon qui, leur étant propre, les ont enfermés dans un esprit de coterie ; simultanément par ailleurs, ce métier leur a permis, plus facilement qu’à d’autres, s’ils en avaient le goût, d’ouvrir les portes du savoir. Ainsi à ces typos, se prenant souvent pour supérieurs aux autres, l’exercice du métier a conféré, de manière exacerbée, un esprit partagé entre modernité et tradition, ouverture d’esprit et préjugés, conservatisme syndical et conviction politique progressistes. »
Dans les métiers de l’imprimerie, la nostalgie du plomb est tenace. Tout typographe se remémore les presses qui foulent le papier pour y piquer les lettres, l’odeur du plomb fondu injecté dans l’énorme matrice des machines, le bruit des linotypes qui faisaient tac, tac, tac ? et le papier blessé par la morsure noire, les blancs naturels artistiquement travaillés par le typographe, les lettres enfin, frangées, texturées. gs
R. Chatelain, F.-A. Parisod et alii, Célébration de l’imprimerie, L’Aire, 1998
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