A propos de l’occultation de la période 1798-1815, au Musée de Prangins.
( DP 1350 )
Comment méditer sur la variété nationale et l’unité de la Confédération à partir de la « période sombre 1798-1815 », quand cette période a arraché à la Suisse la majorité de sa partie latine avec le Jura ( nord et sud ! ), Neuchâtel, Genève, Valais et la Valtelline. Car ces pays faisaient vraiment partie de l’ancienne Confédération, même si on les traitait de zugewandte Orte. On ne voulait pas ébranler le délicat équilibre des droits de votes à la diète ; mais dès 1528, le Jura a le droit de s’aligner sur les vues de Berne dans la question religieuse : le vote des communes ayant donné à Péry une majorité pour la vieille religion, vos gracieux Seigneurs firent envoyer par le combourgeois biennois cinquante lansquenets pour faire voter correctement. Ou le « dictateur Calvin » ayant négocié son retour à Genève en 1541 et obtenu du Petit conseil le droit de régler les affaires internes de l’Église, celui-ci fut contraint peu après à faire machine arrière. Vos gracieux Seigneurs ayant ordonné que Genève s’aligne sur leur décision pour la célébration de la Cène quatre fois par an, ce qui introduisit les lundis de Pâques, de Pentecôte et du Jeûne, le second jour étant réservé aux femmes, à la valetaille et aux SDF. On pourrait relever au cours des 250 ans qui ont suivi bien des signes montrant la dépendance des pays alliés. Il n’y a que Neuchâtel où le prince français exigea qu’on respecte la décision des communes, et qui en conséquence eut le long de la frontière bernoise trois paroisses catholiques, au grand déplaisir du voisin. Or la France ayant confisqué en 1798 les cantons romands, elle y poursuivit une politique échevelée d’assimilation qui a porté ses fruits jusqu’après 1950, puisque le Jura réglait encore alors ses transactions foncières selon le code Napoléon.
Mais qu’est-ce que les autres Suisses ont gagné à l’occupation française ? Penchons-nous sur l’histoire du « StŠfner Handel » y compris l’intervention d’un hobereau traîneur de sabre nommé Nabuglione di Buonaparte : il rappela aux Suisses ébahis que la liberté que la France apportait était la liberté du commerce et de l’industrie ? [ ?] Quant aux pauvres, on leur octroyait l’égalité, c’est-à-dire l’interdiction de « coalition », le service militaire obligatoire et le casse-pipe, y compris un billet simple course pour la Russie. Ceux qui restaient devaient racheter les cens, même dans le canton de Vaud : bien que ce rachat fût dû en théorie par les propriétaires, les métayers durent le payer. Et la fraternité fut envoyée au vestiaire. [ ?]
Laissez donc dormir le château de Prangins ! Trop difficile de méditer sur l’unité nationale à partir de la Médiation. [ ?]
Jacques de Roulet, Nidau.
Réd. : Le commentaire ne se limitait pas à la Médiation, mais à la période 1798-1815, où se constitua la Suisse des 22 cantons, c’est-à-dire la Suisse où les cantons romands et le Tessin devenaient partenaires du Pacte fédéral sur pied d’égalité. Quel que soit le jugement que l’on porte sur cette période confédéralement essentielle, on peut s’étonner qu’à Prangins, elle soit absente.
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