Alexandre Vialatte est un Auvergnat tabagique, mort en 1971, qui a traduit Kafka et signé plus de mille chroniques dans le quotidien La Montagne. On peut tout à fait lire ses recueils, par exemple Les champignons du détroit de Behring, dans un train comme le Pendolino, qui se penche dans les virages. Mais la prudence conseille-t-elle de mêler le rire aux effets de la force centrifuge ?
Vialatte est l’observateur rusé d’un monde qui s’essaye au changement, il chasse l’événement cocasse, les lieux communs de bistrot ÐÊle tragique aussi. Le monde, il le recompose avec des bribes disparates dont le rapprochement affole les zygomatiques.
Si Vialatte atteint aisément des pics de sagesse : « les civilisations périssent, l’Almanach Vermot leur survit » ou « les mères datent de la nuit des temps », il ne dédaigne pourtant pas le conseil terre à terre, qui nous simplifie si bien la vie. Il nous enjoint ainsi de lire Colette, qui « écrit avec son nez », ou de « passer les vacances de pluie dans des endroits humides et noirs, au bord d’un canal latéral ». Vialatte nous rassure : la peste de l’écrevisse, qui fait que « leur corps devient mou, [que] leurs pattes s’arrachent », et, bien cette peste ne contamine pas l’homme. Mais l’écrivain nous ramène à notre triste condition : « L’homme se réveille chaque jour comme sur une île déserte [ ?]. Il prend sa plume, il va écrire à un ami ; il se rappelle soudain que cet ami est mort. [ ?] Ë tel autre ; il est mort aussi. Et tel, et tel. Ils sont rangés sous terre, comme les livres, une fois lus, sur des rayons. L’humanité est une bibliothèque dont presque tous les livres sont lus ». « Le jour des Morts dure toute l’année ».
Tout n’est cependant pas perdu, puisqu’« aujourd’hui, la vie a un sens : il faut épousseter son auto ».
Et toujours Vialatte « cherche en vain Ü cet homme d’aujourd’hui » . [ ?] [Il le cherche] où il se trouve. Ë l’arrêt de l’autobus 27. Sous une pluie fine. En chapeau mou. [ ?] Il demande uniquement deux choses : premièrement, de ne pas faire de guerre ; deuxièmement, une augmentation. » La conclusion tombe, toujours la même. « Et c’est ainsi qu’Allah est grand. » cp
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