Pour celles et ceux qui ne s’expatrient pas, l’espace d’un été, il reste un livre de Raymond Depardon, Voyages, qui les emmènera en six cents pages en autant de mondes Ð noirs et blancs.
On connaît surtout Depardon par ses documentaires : Reporters, San Clemente, Faits divers, Délits flagrants ? On le connaît par ses photos de reporter : la Guerre d’Algérie, le Tchad, l’Afghanistan ? Il est l’un des fondateurs de l’agence Gamma, il a travaillé pour Magnum. Depardon navigue entre cinéma et photo : « j’ai souffert du tiraillement entre la caméra et l’appareil photo. C’est l’originalité peut-être de mon itinéraire ».
Dans ce livre, le photographe s’expose. Il rassemble des images personnelles : « J’ai mis très longtemps à oser montrer mes photos, ces photos que je faisais pour moi en fait, toutes simples. Pendant très longtemps, j’ai eu peur qu’on me voie sur la planche-contact : la planche-contact, c’est comme le mouchard d’un camionneur. Il ne fallait pas que je fasse de photos personnelles : ma chambre d’hôtel, une jeune fille dans la rue, ce n’était pas ce qu’on m’avait demandé, je ne le faisais pas ».
Et pourtant, en travaillant sur les catastrophes et les guerres, il rencontre Ð et photographie Ð beaucoup de paysans, « parce que dans le monde entier il y a beaucoup de paysans ». Des femmes aussi, parce qu’il a « l’éternelle obsession d’aimer une femme et de l’emmener en voyage ».
Depardon n’a pas fait d’études, il a « commencé à lire Flaubert à Sapporo ». Et il a le respect Ð comme seuls peut-être les autodidactes Ð du texte. Tellement d’ailleurs que les légendes prétendument objectives des photos ne le satisfont pas : elles oublient l’auteur de la photo : « la légende de presse est souvent une fausse légende. Oui, c’est un combattant palestinien, un combattant phalangiste ou afghan, oui c’est la légende aux termes journalistiques, mais la vraie légende, c’est ce que je pensais ( peut-être même inconsciemment ) à ce moment-là ».
Et cette « vraie légende », cette épaisseur humaine, cette distance respectueuse s’impriment aussi sur la pellicule. On voit ce photographe dans ses photos ; et elles sont belles. cp
Depardon, Voyages, Hazan, 1998.
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