L’idée de relancer une exposition nationale est née des réflexions, au début des années nonante, sur le manque de compréhension entre les communautés linguistiques de Suisse. L’intention était juste: soigner la cohésion nationale d’un petit pays quadrilingue n’est pas faire preuve de nationalisme étroit.
Dans ce contexte, l’abandon de l’unique projet romanche de l’Expo.02 ne manque pas de surprendre. L’occasion était pourtant excellente de rappeler aux dix millions de visiteurs l’existence de cette langue et la richesse culturelle de cette communauté de 40000 âmes. Lui assurer une place de choix dans l’Expo pouvait parfaitement contribuer à renforcer le sentiment de fierté à l’égard de la diversité culturelle et linguistique suisse.
On ne peut que rester bouche bée devant l’explication donnée par la direction de l’expo et le département Couchepin : le projet romanche «plaisir et mensonge» a été abandonné parce qu’aucun sponsor privé ne l’a jugé intéressant. Voilà qui montre, si besoin était, les conséquences qu’il y a à laisser les milieux économiques dicter le contenu d’une exposition nationale, projet éminemment public, collectif et voulu comme tel. Et si une région linguistique de Suisse est sacrifiée pour manque de rentabilité commerciale, c’est bien au politique qu’on le doit.
En premier lieu, la place excessive réservée au sponsoring commercial est le fruit de l’idéologie anti-étatique de la droite helvétique. Tiraillée entre une vague culpabilité patriotique et le désir dogmatique d’économiser les deniers publics, elle a finalement décidé de privatiser le patriotisme. On commence à entrevoir le résultat de cet état d’esprit : la visite du site
Expo 02.ch, bardé de logos et de louanges aux sponsors, fait désormais penser à un long spot publicitaire.
D’autre part, la diversité culturelle, le respect des minorités linguistiques et la cohésion nationale ne soucient guère l’Expo et son commanditaire, à savoir le Conseil fédéral. Lorsque Pascal Couchepin, par la plume de son secrétaire général, fait écrire à la Ligue romanche qu’il regrette cette décision, on atteint le comble du cynisme. Le gouvernement aurait pourtant pu palier cette défection. Il pouvait soit demander au Parlement un crédit supplémentaire, soit intervenir auprès de la direction de l’Expo pour abandonner un autre projet au profit de celui-ci. En ayant le bon réflexe, le Conseil fédéral aurait simplement agi au nom de l’unité confédérale et de la protection des minorités.
Désormais, le masque est tombé, ou Ð pour utiliser la terminologie exposienne Ð le nuage s’est dissipé : les priorités retenues sont aussi désolantes que limpides. RN
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