L’expérience à l’intérieur de l’UE montre clairement qu’il n’y a pas eu d’émigration massive vers le nord à l’entrée des pays ibériques dans l’UE, comme on aurait pu le craindre. Deux raisons à cela : d’une part, les travailleurs émigrés n’hésitent pas à retourner au pays s’ils savent qu’ils peuvent librement réémigrer. D’autre part, l’adhésion à l’UE a massivement augmenté la prospérité des pays du sud. Il faut également corriger un préjugé tenace : la Suisse n’est plus attractive, comme le démontre avec éclat la récente enquête de l’OFS sur la balance migratoire entre la Suisse et l’UE. Il est significatif que les contingents de main-d’œuvre étrangère ne soient plus utilisés entièrement. La gauche doit donc absolument éviter d’entonner un discours sur les dangers de l’immigration au plan social.
Il serait toutefois naïf de nier qu’il existe un risque non négligeable de dumping salarial via l’envoi temporaire de main-d’œuvre étrangère en Suisse. Afin d’éviter le grossissement des rangs nationalistes, le centre-droite europhile serait bien inspiré de concéder à la gauche les minima salariaux et une loi qui soit le pendant de la directive européenne sur la main-d’œuvre envoyée. Ë titre d’illustration, cette directive prévoit que des travailleurs portugais envoyés temporairement en Allemagne par une firme portugaise devront être rémunérés selon les standards salariaux allemands.
Sur un plan plus philosophique, la gauche doit mesurer le chemin parcouru depuis 1981, lorsque le peuple refusait par 84 % de « non » l’initiative « être solidaire » qui exigeait notamment le regroupement familial pour les saisonniers. Dix-sept ans plus tard, nous sommes sur le point d’abolir ce statut inique, ce dont personne n’osait rêver alors. S’il est vrai qu’une opposition de gauche à la libre circulation ne serait dès lors guère compréhensible, il faut aussi reconnaître que la base syndicale ne soutiendra vraiment les bilatérales que si les garanties salariales sont sérieuses.
Dans une tradition bien helvétique, le débat sur la libre circulation des personnes se limite à tort aux risques encourus. Cette focalisation est regrettable, car il s’agit au contraire d’une immense chance pour la jeunesse de notre pays. Il serait idiot de ne pas la saisir. Pouvoir s’établir et travailler dans le pays de son choix représente un grand progrès social dont nous espérons pouvoir bénéficier. r n
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