Qu’une initiative populaire propose l’adhésion de la Suisse à l’ONU, tant mieux ! Mais le Conseil fédéral aurait pu lui-même dégeler ce dossier.
Notre ministre des affaires étrangères se réjouit du lancement d’une initiative populaire pour l’adhésion de la Suisse à l’ONU. On le comprend, car il s’agit d’un des objectifs affichés du Conseil fédéral.
Ce que l’on comprend moins, c’est pourquoi le gouvernement n’a pas proposé lui-même cette adhésion. Il semble qu’il préfère que l’initiative vienne du peuple, puisque c’est le peuple qui avait refusé la proposition en 1986. Pourtant, si le Conseil fédéral proposait l’adhésion à l’ONU aujourd’hui et la faisait voter en 2000, il se serait écoulé quatorze ans entre les deux votations. Cela correspond à plus d’une demi-génération de démographie électorale. Sur le plan de la situation politique, le contraste entre 1986 et 1998 ne saurait être plus saisissant.
En 1986, l’ONU était paralysée par la guerre froide ; l’armée helvétique comptait encore 650 000 hommes. C’était les glorieuses années où Ernst Cincera et la police fédérale, au faîte de leur pouvoir, fichaient les gauchistes. C’était encore l’époque où la Suisse avait l’arrogance du succès. Il n’y avait pas de chômage et la neutralité était censée nous préserver égoïstement des vicissitudes du monde jusqu’à la fin des temps. C’était également le temps où nous maintenions un « courant commercial normal » avec les régimes les plus honnis, tel l’apartheid de Botha.
Les caractéristiques de la situation en 1998
En 1998, la prééminence du droit international est largement admise. L’ONU a gagné en prestige et en efficacité. La force internationale de stabilisation en Bosnie survole l’espace aérien suisse plusieurs fois par jour dans l’indifférence générale. Nous appliquons sans sourciller les sanctions internationales contre les régimes douteux. Une partie des organisations faîtières paysannes prône l’adhésion à l’Union européenne. Le droit européen et les règles de l’OMC font partie de l’enseignement de droit dans nos universités.
Un manque de courage
Le pays a donc changé et l’adhésion à l’ONU va de soi. De plus, à l’inverse de l’adhésion à l’Union européenne, l’entrée à l’ONU n’a aucune répercussion de politique intérieure et ne pénalise aucun groupe de pression majeur. Il s’agit d’une simple formalité qui sanctionne le fait que nous sommes déjà actifs dans la plupart des agences onusiennes.
Il est fâcheux que le Conseil fédéral n’ait pas osé faire lui-même le pas. Comment un gouvernement peut-il ainsi prétendre empoigner des dossiers aussi difficiles que l’adhésion à l’UE, la réforme des assurances sociales ou de la fiscalité s’il se décharge de son leadership sur les épaules de quelques militants qui iront récolter des signatures les samedis matins, sans aucun soutien politique ni financier ? r n
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