Lors de la Foire du Livre de Francfort en 1998, Flavio Cotti, alors président de la Confédération, appelle les créateurs à s’engager, à affirmer leur présence dans la société. Voici la réaction d’Adolf Muschg, écrivain suisse dans la tradition morale de Frisch et Dürrenmatt, parue dans la revue Feuxcroisés (n° 2, 2000), traduite par Marion Graf.
Je n’ai pas la moindre envie de me demander, maintenant, jusqu’où M. Cotti aurait été prêt à honorer l’engagement qu’il réclame. ( ?) A cela, on ne peut que répondre : merci bien, Monsieur le Président, merci de votre bonne volonté, nous repasserons quand nous aurons besoin de quelque chose. Nous vivrons peut-être mieux grâce à votre déclaration. Peut-être même littéralement, car elle pourrait vouloir dire que vous attribuez quelques millions de plus à Pro Helvetia – c’est ça, le langage qui compte, c’est là que vous pourriez vraiment faire quelque chose. Mais votre déclaration n’aide personne à écrire ne serait-ce qu’une seule phrase, personne. L’art, c’est le contraire des bonnes intentions. L’invitation de Cotti peut partir d’une bonne intention – et c’est bien qu’elle existe. Mais l’artiste doit savoir qu’elle n’a rien à voir avec son travail. Rien. Il doit être autre. La sentence de Ludwig Hohl, qui fait partie du titre d’un de ses livres, que «presque tout est autre», est en fait la seule poétique vraiment efficace, politiquement parlant. Le politicien doit savoir que rien ne se fait pour son édification. Rien ne se fait non plus pour une meilleure construction de la nation. L’artiste peut parfaitement s’engager en tant que citoyen. Mais ce qu’il fait n’a pas le droit de porter une étiquette. S’il en porte une, c’est qu’il est déjà classé.
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