Raconter un mariage après qu’il eut été consommé, dans un supermarché : voilà l’histoire du film d’une jeune cinéaste suisse.
Mais qu’est-ce qui a bien pu piquer les responsables de Shoppyland, un centre commercial d’une banlieue helvétique, pour qu’ils songent à offrir à un jeune couple la possibilité ? de se marier entre ses rayons ? Ë Shoppyland, tout est accessible, à condition d’avoir de l’argent comme dans toutes les grandes surfaces, ou de se prêter sur place à une cérémonie de mariage à but publicitaire donnant le droit aux époux de se servir, pour quelques milliers de francs, d’appareils ménagers, meubles, réserves de pâtes et layettes pour le futur bambin. Jeanne Berthoud a réalisé un documentaire remarquable pour son diplôme de fin d’études à l’École cantonale d’art de Lausanne, en suivant les couples en concours pour avoir le privilège insigne de se remplir le caddie à l’œil, moyennant un petit oui et une bague au doigt. La cinéaste a suivi l’opération depuis sa conception jusqu’au triomphal mariage kitsch des deux vainqueurs au Shoppyland et a rendu visite aux candidats dans leurs intérieurs proprets de jeunes Suisses moyens, prêts à se soumettre aux directives de « commerciaux » en bras de chemise et cravates bariolées. Ë la vision de ce genre de spectacle, on s’étonne que les protagonistes se livrent à une telle exhibition devant la caméra, alors qu’ils ne demandent justement qu’une chose, selon la logique des reality shows dont ils sont nourris : passer à la télé. D’une discrétion exemplaire, Jeanne Berthoud a capté les moments forts de l’aventure, profitant de ses rebondissements. On pense en particulier à la scène du patron du magasin visionnant la TV locale où un homme d’église se déclare indigné par une pareille cérémonie de mariage commercial. « Extrémiste de droite ! » s’exclame alors le directeur.
Au programme du cinéma Bus stop, av. de Morges 60, à Lausanne, le vendredi 23 avril à 21 h 00.
Jacques Mühlethaler
Darf ich mal schreien, un film documentaire de Jeanne Berthoud.
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