Appelé à se prononcer le 5 juin sur un objet de politique extérieure de première importance, le citoyen suisse risque de perdre sa sérénité s’il tente de prendre en compte les divers messages émanant de la Berne fédérale. A moins d’un mois de la votation sur Schengen-Dublin, petit inventaire non exhaustif de quelques faits et gestes.
n Le 8 mai à Rafz, accompagné d’un huissier symbolisant l’Etat, Christoph Blocher fait l’éloge des frontières et d’une neutralité armée forte, dans les termes que l’on sait.
n Quatre jours plus tard, Samuel Schmid, même parti, même gouvernement, président de la Confédération, annonce qu’il veut réduire le noyau dur de l’armée à 18 500 hommes. Ce qui implique de facto une profonde transformation de la milice classique et, à terme, une coopération militaire accrue avec nos voisins.
n Le même Samuel Schmid, dans son versant eurosceptique par contre, affirme le 11 mai dans Le Temps qu’un «oui à Schengen permettra d’éviter de rediscuter de l’adhésion».
n Position inverse de Micheline Calmy-Rey, qui a déclaré, lors de son bilan après 100 jours au gouvernement, que «les négociations bilatérales nous rapprochent de l’Europe, et donc de l’adhésion».
n Lors de l’émission Infrarouge de la TSR, ce même 11 mai, offensive des élus du parti de Samuel Schmid qui, en parfaite contradiction avec l’analyse de leur conseiller fédéral, invoquent la déclaration de Micheline Calmy-Rey pour justifier leur refus de Schengen.
n Quant à Joseph Deiss, s’exprimant le 26 janvier dans la presse alémanique, il voit le débat européen reprendre bientôt : «Nous présenterons un rapport sur les conséquences possibles d’une adhésion à l’UE en 2006» affirme-t-il à la HandelsZeitung.
n Opposition de Samuel Schmid qui, dans son intervention du 11 mai, infirme cette annonce, estimant que ce rapport ne sera pas présenté avant longtemps.
n Mais par ailleurs, Joseph Deiss n’a pas eu besoin de rapport pour proposer l’introduction unilatérale en Suisse du principe de «cassis de Dijon». Ce qui n’est pas sans évoquer une forme d’alignement sans co-décision sur les normes européennes, sachant que tout produit commercialisé dans un Etat membre de l’Union pourrait entrer automatiquement sur le marché suisse.
n Aux dernières nouvelles, dans la même logique, le seco examinerait l’éventualité d’une introduction similaire de la directive européenne Bolkestein.
n Simultanément, mais cette fois dans une inclination atlantiste, le même seco planche sur la possibilité de conclure un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. S’agissant d’un tel traité, Le Temps du 24 mars rappelle qu’en 1996 Christophe Blocher demandait déjà l’adhésion de la Suisse à l’Alena, marché libre réunissant les USA, le Canada et le Mexique. En tout cas, pour Martin Naville, directeur de la chambre de commerce suisse-américaine et promoteur de l’opération s’exprimant dans Le Temps du 14 avril, il s’agirait d’en finir «avec quinze ans d’eurocentrisme».
Certes, ces approches pour le moins contradictoires relèvent de démarches différentes et suivent leur propre logique. De plus, habitué aux gouvernements sans programme, résultant d’une simple addition de tous les partis, le citoyen suisse sait faire preuve d’une remarquable tolérance à l’incertitude. Pour autant, même avec des attentes excessivement modestes en matière de cohérence politique, il pourrait finir par être tourmenté par les questions suivantes : quelle vision avons-nous de nos relations avec le monde et nos voisins ? quelle place entendons-nous occuper et quel rôle souhaitons-nous jouer, notamment sur notre continent ? Quelle politique européenne traduit de manière logique ces options de base et nos propres valeurs ? Quelle politique militaire et de sécurité peut-on en déduire ? Et quelle communication à l’intérieur et vers l’extérieur ces choix impliquent-ils ? fc
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!