Cathédrale Saint-Pierre, vendredi dernier, proches, amis ou lecteurs anonymes, ils sont plusieurs centaines à être venus rendre un dernier hommage à l’écrivain Nicolas Bouvier.
L’auteur du Poisson-Scorpion, l’imagier subtil de Chronique japonaise est devenu l’incontournable star de la littérature voyageuse. Mais il serait réducteur de ne garder de lui que l’image du baroudeur aux mille carnets. Bouvier s’est donné une prose baroque et charnelle qui dépasse de loin le simple récit du voyage. Sa poésie, récemment rééditée dans Le Dehors et le Dedans (Zoé) s’apparente à la fois à la ballade qu’affectionnait Cendrars, et au poème-instant (le modèle haïku) qui célèbre l’événement d’être en vie. En automne 1995, Bouvier recevait le Grand Prix Ramuz pour l’ensemble de son œuvre. Son discours de remerciements, publié dans le Bulletin de la Fondation C. F. Ramuz, en 1996, parlera mieux que tout commentaire : «Il serait tout à fait spécieux d’opposer l’écriture nomade à l’écriture sédentaire. Elles sont complémentaires et les Ü illuminations Ý ne sont pas le monopole des semelles de vent de Rimbaud, mais peuvent survenir aussi bien dans la cellule d’un moine cistercien, dans l’ermitage d’un bonze japonais, au fond d’un verre d’alcool blanc, dans le passage d’un col (et tout change) ou dans le lit d’une dame. à chacun ses sésames et ses vertiges pour décoder une réalité constamment polyphonique et dont nous n’avons, par insuffisance d’âme, qu’une lecture monodique. Nous ne lisons qu’une ligne de la partition, sauf dans ces instants indicibles d’unité retrouvée, où le cœur se brise et où l’on reste, pour toujours, sans voix. Il y a vraiment un abîme entre le Grand Larousse et l’impossible formulation du bonheur».
Un grand poète a passé.
Jérôme Meizoz
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