L’édition littéraire en Suisse romande peut se vanter, semble-t-il, d’une oasis au climat privilégié : les maisons de poésie y foisonnent. Passons sur les maisons à compte d’auteur, comme Editorel, qui produisent sans discernement des poètes d’un jour. On ne peut qu’être surpris du nombre de petites maisons de qualité (Empreintes, PAP, La Dogana, Vernay, Le Feu de nuict, etc.) qui s’ajoutent aux collections poétiques des grands éditeurs de la région. Tout se passe comme si, dans ce marché protégé qu’offre notre région, où la diffusion vers la France est une gageure, la poésie constituait une « niche » éditoriale vivace. Ce genre littéraire et son destin commercial sont en effet originaux : faibles tirages, soin porté à l’objet-livre, public restreint mais fort bon lecteur. La Suisse romande s’appuie, dans ce domaine, sur une haute tradition d’édition poétique, réputée pour son soin graphique : de Mermod à la collection poétique de Payot, d’Aujourd’hui (1929-1931) à la bicentenaire Revue de Belles-Lettres, nombreux sont les poètes qui ont trouvé un support graphique à la mesure de leur œuvre.
Dans ce contexte, les éditions Empreintes, à Lausanne, font figure exemplaire : depuis leur fondation en 1984, elles ont édité 71 titres avec un soin artisanal et la complicité des meilleurs imprimeurs : recueils de poètes romands confirmés (Chappuis, Chappaz, Perrier, Voisard, etc.), d’auteurs prometteurs (Deblüe, Dupuis, Tappy, Voélin), ou premières œuvres d’intérêt (Beetschen, Genoux). Depuis deux ans, Empreintes s’est également dotée d’une collection « Poche poésie », subsidiée par Pro Helvetia, accueillant des rééditions, des œuvres complètes, et même la traduction des principaux recueils du grand lyrique tessinois, Alberto Nessi, La Couleur de la mauve (1996).
L’une des découvertes de 1996 aura été le recueil voyageur d’Olivier Beetschen, Le Sceau des pierres, suite vagabonde entre Cendrars et Lovay, dotée d’un souffle non conventionnel et savamment dissonant. En 1997, une jeune femme, Claire Genoux, publie Soleil ovale. Ce premier recueil, quelque peu disparate, passe de méditations sur le travail des mots à une troublante évocation d’un « Monsieur le Chat », obscur objet de désir. Un ton plus funèbre clôt le volume, pour de discrets hommages à des poètes romands disparus, comme Corinna Bille ou Gustave Roud, dont Claire Genoux reprend en quelque sorte le fil de parole.
Jérôme Meizoz
Chez Empreintes : Olivier Beetschen, Le Sceau des pierres, 1996 ; Claire Genoux, Soleil ovale, 1997 ; Anthologie des auteurs de la maison, 1994.
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