A la fin du mois de mai, le nouveau mode de calcul de la péréquation financière a été présenté aux directeurs cantonaux des finances. Comme prévu, il change peu la géographie de la capacité financière des cantons. Les cantons à forte capacité, ceux dont l’indice des ressources est supérieur à 120 (moyenne suisse = 100) restent les mêmes : Zoug, Bâle-Ville, Zurich, Genève et Nidwald, dans un ordre décroissant. Même stabilité pour les cantons à faible capacité financière, ceux dont l’indice est inférieur à 80 : Jura, Valais, Fribourg, Obwald, Uri et Berne (toujours dans un ordre décroissant). Neuchâtel quitte ce groupe, pour rejoindre celui des quinze cantons du milieu du classement.
La dépression du Mitteland reste donc inscrite dans ces nouveaux chiffres. Une donnée persistante que confirme l’étude publiée en février par l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur la future répartition territoriale de la population en Suisse. Cette étude annonce pour les prochaines décennies des mouvements migratoires intérieurs très importants, alors que la population totale augmentera peu. Cette prévision confirme l’évolution réelle au cours de la dernière décennie du siècle passé, à savoir une tendance à la concentration de la population et des entreprises, et le fort recul des villes du Plateau : Berne et Bienne ont perdu respectivement environ 12000 et 6000 habitants en dix ans.
Cette dépression économique et sociale se prolonge au nord-ouest vers le Jura, au sud-est vers Fribourg et au sud-ouest vers le Valais. Elle va perdurer sans doute jusqu’à devenir une donnée forte du territoire national. Est révélé ainsi un glacis-frontière beaucoup plus réel que la soi-disant barrière de röstis, invention commode pour les stratèges politiques qui croient encore à l’existence de la Suisse romande. Lui répond au nord-est la grande région zurichoise et au sud-ouest, Genève et Lausanne, cette dernière freinée dans son élan urbain et coupée de son bassin historique.
Cette évolution, qui paraît irréversible, met sérieusement en question une constante de la politique territoriale helvétique, la lutte contre la centralité géographique et pour l’égalité territoriale. De plus elle mine une concrétisation symbolique du fédéralisme, l’égalité politique entre cantons, indépendamment de leur population.
Aujourd’hui, il semble que rien ne peut arrêter cette tendance vers une plus ou moins forte inégalité entre les villes et leurs territoires. Certes, la Confédération a défini une politique dite des agglomérations, afin de «soutenir les zones urbaines du pays dans la perspective du développement durable». Mais cette politique paraît bien fragile face à la vague de fond de la centralisation et de la concentration.
Alors pourquoi continuer de résister sans pour autant parvenir à inverser le mouvement ? Pourquoi ne pas tenter de maîtriser la tendance en acceptant et en organisant une hiérarchie entre les villes et leurs territoires : une métropole, la ville-mère, et des villes-sœurs, c’est possible et sans doute nécessaire.
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