Malgré des risques financiers et des difficultés de réalisation, Luc Mariot a réalisé un documentaire passionnant sur notre relation à la télévision.
Film peu banal, Le Tube traite d’un objet des plus courants de notre vie quotidienne, à savoir la télévision. Documentaire mettant en scène Luc Mariot dans son métier de journaliste de télévision, ce film cerne les effets de la télévision sur le cerveau. Non pas du point de vue du contenu du message véhiculé par une émission ou un téléfilm, ce qui a été fait à maintes reprises, mais du point de vue du tube cathodique, du médium, bref de la « boîte ». Cette dernière fait l’objet d’une fascination qui rend le spectateur passif, voire dépendant : combien de fois n’a-t-on pas zappé au lieu d’éteindre notre téléviseur, comme si l’on était en quelque sorte hypnotisé par ce que l’on regarde, que ce soit une émission intéressante ou une série TV complètement nulle ?
En ce sens, Le Tube est un film terrible. Car il nous renvoie notre propre image, celle d’une société de plus en plus enchaînée, pour ne pas dire dépendante, aux postes de télévision. Omniprésents durant tout le film, que ce soit dans les séquences se déroulant à Tokyo, New York ou Genève, ceux-ci apparaissent dans des formes diverses : téléviseurs, écrans plats, écrans de PC, écrans géants, jeux vidéo, notamment. On baigne dans cet environnement sans en être conscient, les voyant de la même manière et en suivant le même schéma : on allume et on zappe, on éteint, on allume et on zappe, on éteint, etc.
Fruit de trois ans de travail, coproduit entre autres par Arte et la TSR, ce film a rencontré des difficultés de réalisation, inhérentes en particulier à sa problématique : une chaîne de télévision allait-elle participer au financement d’un reportage qui, d’une certaine manière, pose la question de savoir si elle est nocive ou non ? Risques financiers liés à l’audience, mais également risques éthiques concernant ce que l’on peut montrer. En ce sens, ces deux chaînes ont assumé leur mission de santé publique, ce qui peut paraître un peu curieux. En outre, le film bénéficie d’intervenants passionnants, tels le professeur Eric McLuhan ou Herbert Krugman, qui ont tous les deux conduit des recherches de référence dans le domaine de la perception de la télévision par le cerveau.
La fin du film revient à son point de départ : sur la fille de Luc Mariot, qui regarde fixement la télévision du haut de ses quatre ans. Durant son enquête, après discussion avec les grands maîtres en production de messages télévisés que sont les publicitaires, son père qualifie la télévision de « sommeil où les rêves sont fournis ». Par ce film, c’est le sommeil qui est décodé. Il nous reste à savoir choisir nos rêves, mais ça, c’est une autre histoire.
Thierry Charollais
Le Tube, de Peter Entell, www.filmtube.com
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