Pour certains, la « culture techno » n’est qu’un phénomène de mode assez banal. Pour d’autres au contraire, elle reflète notre époque.
Définir la techno est à la fois simple et complexe. Le terme se réfère à la technique et à la technologie. Mais il embrasse de nombreux domaines comme la mode vestimentaire (Jean-Paul Gaultier, Galliano), le cinéma (The Matrix), le de-sign, le graphisme, le vidéo-art notamment. La musique en est la forme d’expression la plus connue. En bref, on peut définir la techno comme un ensemble de formes d’expression les plus diverses conjuguant une expression artistique novatrice et l’utilisation de moyens techniques très sophistiqués.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la musique techno n’implique pas des moyens coûteux comme le jazz ou le rock : un musicien techno peut composer au moyen d’un simple ordinateur et de logiciels adéquats. Grâce à l’Internet, il communique, télécharge des sons, voire des morceaux musicaux entiers. Ainsi la disquette remplace la traditionnelle cassette analogique qui nécessitait de gros moyens de production. Cette caractéristique est essentielle pour comprendre la techno qui, de ce point de vue, peut être considérée comme une manière de démocratisation de la production artistique inconnue jusqu’à présent.
Ce nouveau rapport à la technologie a conduit à une large diffusion des œuvres, les pires comme les meilleures, et à l’essor d’artistes parfois très jeunes, reconnus sur la scène internationale. Née il y a environ une décennie dans les clubs londoniens et des villes américaines économiquement sinistrées telles que Detroit, musique urbaine par excellence au même titre que le rap et le hip-hop, la techno a vite gagné l’Europe continentale. La Suisse n’est pas en reste avec la Street Parade zurichoise et la Lake Parade genevoise qui comptent parmi les cinq plus grandes manifestations mondiales du genre.
Le public techno est extrêmement varié, aussi bien du point de vue de l’âge que du statut socio-économique. Pourquoi cette musique binaire, qui a priori joue uniquement sur les effets sonores et sur la notion de répétitivité, fascine-t-elle tant ? Il est tentant de répondre de manière stéréotypée et non sans une certaine condescendance : la techno comme une sorte de grand-messe de l’épicurisme, voire la manifestation d’une ambivalence ou d’une ambiguïté qui joue sur les paradoxes typiques de notre temps Ð fascination pour la technologie, recherche de nouvelles sensations, volonté de contrôler ou de fuir le temps Ð, recherche de sensations musicales nouvelles avec de la musique qui paraît programmée sans émotion aucune. On se retrouve pour être mieux seul, on se rencontre sans se séduire, on s’amuse pour se fuir soi-même, parfois il est vrai par des moyens illégaux ?.
Pourtant de tels stéréotypes n’expliquent pas grand-chose. La techno reste un phénomène déroutant. S’agit-il d’un mouvement politique ou social qui prône la rupture avec la société ? La techno délivre-t-elle un « message » ? Pourquoi attire-t-elle autant de monde ? A priori, la techno ne semble pas proposer clairement un autre système contrairement à la contre-culture des années 1970 et au mouvement alternatif actuel. D’aucuns diront alors que la « fin des idéologies » est passée par là ? La techno préfère mettre en avant une philosophie simple (parfois simpliste) susceptible de toucher chacun, mêlée d’épicurisme très « fin de siècle », peut-être de façade, mais qui fait son grand succès. Conscients de son potentiel pour attirer les foules, certains mouvements politiques essaient d’utiliser la techno pour moderniser leur image, mais cette tentative de récupération ne trompe personne.
Pourtant, le mouvement techno sait se faire revendicateur lorsqu’il demande des locaux et des lieux de réunion. Est-ce là la première expression d’un projet politique qui viserait à redonner vie à un patrimoine bâti inutilisé et un caractère festif à la ville ? En Suisse et ailleurs, des voix se font entendre pour contester la tendance à l’institutionnalisation d’un phénomène qui voulait avant tout sortir d’un cadre. En clair, la techno a ses « puristes », ses penseurs, ses philosophes qui tentent de conférer à la techno une véritable identité.
Peut-on affirmer que la techno émerge en tant que véritable mouvement culturel, qui tente de conquérir sa légitimité aux yeux de la société ? Retenons pour le moment l’originalité d’une démarche qui pose à sa manière des questions sur notre manière de vivre et qui propose une diversité de réponses correspondant à la diversité de son public.
Thierry Charollais
Sites Internet : Sites techno en Suisse : http://www.teknet.ch et http://www.dj-at-work.net
Sites apportant une réflexion sur le phénomène techno : http://www.junglebluenight.free.fr et http://www.adnweb.comtexte forum
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