Dans ce pays où l’épargne des ménages privés et la rigueur des budgets publics passent pour vertus égales, l’endettement croissant des collectivités fait souci. La préoccupation est sans doute justifiée, mais la phobie fausse tout. Et induit des comportements obsessionnels: les programmes d’économies s’enchaînent et même se superposent, les analyses de tâches et de prestations se mènent à la hâte et en parallèle, les mesures d’urgence se prennent dans le désordre. Résultat, prévisible et désormais patent: plus personne, au niveau fédéral en tout cas, n’a une vue d’ensemble des opérations de guerre à la dette ni des manoeuvres sensées assainir les finances publiques.
Outre Sarine, cette sorte de panique porte un nom évocateur. On l’appelle «Sparwut», littéralement rage de faire des économies. Le terme vaut dénonciation. Utilisé aussi par nombre de bourgeois, il montre que la gauche n’est pas seule à déceler une cohérence derrière la politique au jour le jour. Dont la finalité n’est autre que d’affaiblir l’Etat, en ses différentes instances fédérales, cantonales et communales. Car si le particulier qui paie ses dettes s’enrichit, la collectivité qui réduit sa charge d’intérêts s’appauvrit, en restreignant les missions qu’elle accomplit ou les prestations qu’elle délivre. Et quand elle gagne ainsi la fameuse marge de manoeuvre financière tant espérée, elle la consacre à ménager les contribuables les plus «intéressants» – gros revenus, personnes morales.
Certes, l’Etat peut devoir s’alléger et s’assouplir. Mais il doit le faire guidé par une vision de son rôle, en énonçant ses tâches prioritaires et inaliénables et en les soumettant au débat démocratique. Cette procédure requiert la collaboration d’une administration compétente et motivée, ouverte au changement et qui ne se contente pas de s’arc-bouter sur les acquis d’un statut souvent ressenti comme privilégié par les autres salariés. A cet égard, la récente démission de Peter Hablützel a l’effet d’un manifeste; connu – et souvent critiqué du côté syndical – pour son adhésion lucide aux principes de la nouvelle gestion publique, il marque son désaccord avec le passage de la ligne rouge par MM. Merz et Blocher.
Nous voilà prévenus: les deux élus du 10 décembre 2003 s’emploient ensemble à ratatiner l’Etat. Ils visent l’affaiblissement de la Confédération, la neutralisation des cantons et, bien entendu, le silence des revendicateurs toutes catégories confondues, hormis celle des personnes à forte capacité contributive. yj
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!