Pour la troisième fois en dix ans, la revue Esprit fait le point, avec la même pertinence, sur l’évolution de ce qu’elle appelle «la question urbaine», en quelque sorte la formulation contemporaine de la question sociale. Après avoir pénétré Dans la jungle des villes (n° 202, juin 1994) et observé Quand la ville se défait (n° 258, novembre 1999), voici donc La ville à trois vitesses : gentrification, relégation, périurbanisation (n° 303, mars-avril 2004).
Sur un ton généralement grave mais sans céder au catastrophisme, une quinzaine d’auteurs évoquent les différents aspects de la ville-monde: essentiellement la marginalisation de la ville européenne, «trésor en passe de devenir un patrimoine» et la hiérarchisation des réseaux de villes, constitués et travaillant à l’échelle de la planète, du continent ou de la plus ou moins grande région. A l’intérieur d’elles-mêmes, les villes vivent des mutations qui les fragmentent, les déforment, les recomposent aussi, différentes, inégalement viables pour elles-mêmes et plus ou moins vivables pour leurs habitants. Pour ne rien dire des effets dévastateurs de disparités socio-spatiales accrues sur le développement de la très célébrée démocratie locale.
Au passage, Olivier Mongin, rédacteur en chef d’Esprit et par ailleurs auteur d’un excellent petit ouvrage intitulé Vers la troisième ville ? (Hachette, 1995), constate sans surprise l’échec de la politique de la ville, cet exercice mené en France à coups de proclamations successives, lancées par des gouvernements plus soucieux de marquer leur passage que d’affronter, dans la durée et la cohérence, la véritable question urbaine. Dernier avatar de cette politique, elle aussi fragmentée : le jour où se prenaient les décrets permettant la mise en oeuvre de «sa» Loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, promulguée le 1er août 2003, Jean-Louis Borloo quittait ses fonctions de ministre délégué à la ville pour s’installer à la tête du superministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, dans ce cabinet Raffarin III auquel personne ne prête la moindre chance de longue vie.
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