En novembre dernier, les milieux économiques disaient ouvertement leur préférence pour les deux candidats Blocher et Merz au Conseil fédéral, après avoir tout aussi clairement manifesté leur désir de voir l’UDC renforcer sa députation aux Chambres. Le même mois, le Vorort et la Société pour le développement de l’économie suisse (sdes) fusionnaient pour former ensemble la Fédération des entreprises suisses, déjà connue sous l’appellation promotionnellement correcte d’economiesuisse.
Voilà une organisation faîtière qui revient de loin. En septembre 1999, Andres Leuenberger, alors président du Vorort, devait encaisser l’échec de son projet de fusion entre les deux organisations précitées et l’Union centrale des associations patronales. A l’époque, Christoph Blocher, conseiller national et patron du groupe Ems, affirmait que les milieux économiques avaient mieux à faire que tenir des séances et pourraient avantageusement remplacer leurs associations par «deux ou trois personnes pleines d’entregent» travaillant dans les coulisses fédérales.
Cette forme de lobbying paraissant imprudemment minimaliste, l’idée d’un mariage à deux plutôt qu’à trois fut reprise à l’automne 2000. Les trois ans de fiançailles furent difficiles : beaucoup de têtes ont roulé du côté de Zurich mais, tandis que les comités tanguaient, Rudolf Ramsauer, directeur d’economiesuisse, tenait fermement la barre. Et conduisait une campagne de votations après l’autre : de la plus modeste (moins de cinq millions de francs) à la plus généreuse (plus de dix millions). Avec des résultats variables – les sept à huit millions dépensés en faveur de la loi sur l’électricité n’auront pas suffi – mais avec une détermination croissante.
Aujourd’hui, economiesuisse affirme sa présence sur tous les fronts. Ses volumineux programmes économiques servent de bases de travail aux secrétaires patronaux et de catalogues aux parlementaires en mal d’interventions. Ses études, avis et consignes remplissent les pages de la presse économique et professionnelle, où le même Ramsauer ne cesse d’apparaître. Il salue la nouvelle composition du Conseil fédéral, préconise la restructuration des hautes écoles, annonce la réforme du marché intérieur, réclame la réduction des impôts directs, prédit la relance des affaires mais pas forcément la croissance de l’emploi ; et ressert à tout propos sa préoccupation obsessionnelle : l’assainissement des finances publiques.
A economiesuisse on sait que la répétition d’un message augmente ses chances de passer. Pourvu que l’émetteur prenne soin de varier le ton et de s’assurer d’efficaces relais. Porte-parole attitrée, la sdes n’assume pas seule sa mission d’information-propagande, à laquelle contribue entre autres le think tank nommé Avenir Suisse. Sans compter tout un réseau de groupements et comités, permanents ou ad hoc, dont l’influence s’étend jusque sous la Coupole fédérale.
Coïncidence significative, la puissance retrouvée des milieux économiques suisses se manifeste au moment où les Alémaniques réaffirment une prépondérance que les Romands battaient encore récemment en brèche, grâce à une brochette de personnalités désormais hors marché. Un déclin à mettre en regard avec l’absence des Romands à la tête des commissions permanentes des Chambres fédérales pendant la législature qui commence.
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!