Dans les années nonante, la Nouvelle Gestion publique a généré le «tout contractuel», dans lequel l’Etat a été tenté de se dissoudre. Aujourd’hui, le charme des mandats de prestation n’opère plus vraiment sur leurs bénéficiaires, gagnés par la peur et la méfiance.
C’est que la soudaine dégradation des finances publiques fédérales met en évidence la précarité des conventions d’objectifs et autres enveloppes budgétaires.
Il y a près de deux ans, nous dénoncions la généralisation du procédé par lequel l’Etat a inventé, sous prétexte d’allégement, de se décharger de missions jusqu’alors considérées comme inaliénables (DP n° 1424, 23 mars 2000). Passe encore pour les enveloppes budgétaires confiées à des offices ou organismes partiellement autonomisés à l’intérieur de l’administration. Mais, dans l’élan, l’Etat en est venu à céder des pouvoirs qu’il avait jusqu’alors jalousement conservés, en assortissant ces concessions d’un nouveau genre de conditions plus ou moins rigoureuses en matière de résultats d’exploitation à obtenir.
Contents et flattés d’avoir d’aussi beaux défis à relever, les mandataires se sont lancés avec zèle dans la poursuite des objectifs convenus ; leurs managers ont voulu remplir la norme, comme autrefois les patrons soviétiques, comme aujourd’hui les CEO des anciennes régies converties en sociétés anonymes, avec la Confédération comme actionnaire unique ou principal.
Plus modestement, les mandataires privés et des organismes subventionnés ont de leur côté accepté les conditions posées pour l’accomplissement de prestations, avec la conviction de recevoir les moyens d’exécuter les prestations confiées.
Or voilà que se renforce d’un coup la pression des mesures d’économies, dont la panoplie va désormais des réductions linéaires aux coupures de crédit, en passant par toutes les formes de freins (aux dépenses, à l’endettement et donc, stupidité suprême dans la conjoncture actuelle, frein à l’investissement).
Autant dire que les belles promesses contractuelles, pour ne rien dire des payements volontaires que sont les subventions, se trouvent remises en cause. Les mandataires, qui se croyaient à l’abri de mauvaises surprises aussi longtemps que le «reporting» attestait la fourniture des prestations convenues, se retrouvent dans une situation de réelle précarité, à l’instar des salariés.
Les mandataires s’imaginaient substituts habiles d’un Etat consentant à son propre affaiblissement. Ils se sentent désormais floués par un mandant qui modifie les règles du jeu en cours de partie. Tous ne vivent pas encore une telle frustration. Mais tous méditent sur les dommages collatéraux des programmes d’économies, dans le secteur des transports ferroviaires par exemple : les travaux d’infrastructures couverts par la Convention sur les prestations entre la Confédération et les CFF ne sont certes pas formellement menacés par le plan Villiger, mais bien les grands projets (Rail 2000 par exemple) dont les délais de réalisation sont par ailleurs maintenus ; ce qui va inciter à puiser en leur faveur dans la caisse des prestations financées.
Comme si les contrats de prestations échappaient au principe «pacta sunt servanda».
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