31:44:25. Telles étaient en 1900 les mensurations de l’économie suisse. Près d’un tiers de la population active travaillait alors dans l’agriculture, une petite moitié dans l’industrie et la construction, tout juste un quart dans les services et l’administration, qu’on n’appelait pas encore le secteur tertiaire. En un siècle, les proportions ont profondément changé: la Politique agricole 2007 concerne moins de 5 % des personnes actives, dont 26.5 % travaillent dans l’industrie et l’artisanat. Quant au secteur tertiaire, il a vu non seulement évoluer sa structure, suite à la forte diminution des services domestiques, mais surtout exploser ses effectifs, puisqu’il occupe actuellement déjà 70 % de la population active. Dans les régions lémanique et zurichoise, ce sont même trois personnes sur quatre qui travaillent dans les services publics et privés. Le tertiaire a même tellement gonflé que les héritiers de Colin Clark et de Jean Fourastié l’ont subdivisé, rangeant dans le quaternaire les services de l’ère post-industrielle: formation, recherche et développement, information et communication. Riche de sa seule matière grise, la Suisse se situe tout naturellement parmi les pays où les activités, dépenses et recettes du secteur quaternaire sont les plus importantes.
Sauf que cette position avantageuse, primordiale pour l’avenir du pays, semble tout sauf assurée. De tous côtés, des cris d’alarme se font entendre. Le Fonds National de la Recherche Scientifique, qui célèbre ces jours le cinquantenaire de sa création, saisit cette occasion pour revendiquer une dotation en forte augmentation, y compris pour les sciences humaines et sociales. De son côté, le Secrétariat d’Etat à la Science et à la Recherche poursuit un programme multiannuel qu’il sait ambitieux par rapport aux finances fédérales mais jugé trop modeste par rapport aux besoins de formation, recherche et technologie. Les HES et leurs réseaux ont essentiellement une mission de transmission de connaissances, et non de création de savoirs. Les entreprises privées, qui assument en Suisse une part relativement élevée des investissements dans la recherche et le développement, redimensionnent leur engagement en fonction de leur situation particulière ou des perspectives plus générales. Certaines vont même, à l’instar de Novartis, jusqu’à transférer leurs activités R+D outremer.
Comme si tout cela ne suffisait pas à faire redouter un relatif affaiblissement la place scientifique suisse, on voit se renforcer les facteurs de découragement. A commencer par la conjoncture économique, dont l’amélioration est régulièrement prédite pour le semestre prochain avant d’être tout aussi régulièrement reportée au suivant. Les velléités de plus en plus fortes chez Bush jr. d’organiser lui aussi sa croisade au Moyen-Orient assombrissent les perspectives en matière de stabilité internationale, de prix du pétrole et donc d’investissements ici et ailleurs.
Avec ces bruits de bottes, entendus après l’implosion de la Nouvelle Economie et sur fond de crise boursière, on ne trouve plus grand monde pour croire en la chance de sursaut de l’économie réelle, solidement industrielle et productive, en Suisse comme dans les principaux autres pays de l’OCDE.
Inutile d’opposer la Suisse solidaire et la Suisse quaternaire. Mais il n’empêche qu’après les efforts pour Expo.02 ou Swiss(air), il en faudra d’autres, probablement aussi risqués mais certainement plus essentiels. YJ
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