Et voilà qu’à nouveau tombe un tabou bien helvétique. Après l’érection d’un nuage artificiel en symbole national et l’abolition programmée du contingentement laitier, surgit Ð enfin Ð l’idée de limiter, voire de supprimer, la détention à domicile des armes d’ordonnance.
La seule évocation d’une telle perspective, qui, pis est par le Chef de l’ex-DMF, a de quoi révulser le pays de Guillaume Tell et des tirs obligatoires. Au temps où chaque enfant naissait encore soldat, plus précisément en décembre 1983, la Conseillère nationale que j’étais soulevait beaucoup d’indignation en posant au Conseil fédéral une simple «question ordinaire» concernant la statistique criminelle ; celle-ci oubliait, comme elle le fait toujours, de recenser les actes de violence commis avec des armes d’ordonnance. A l’époque, une enquête auprès des commandements de police avait permis d’établir qu’en 1982 neuf homicides (sur un total suisse de 142) avaient été commis au moyen de leur arme d’ordonnance par des hommes incorporés dans l’armée.
Au vu de cette faible proportion, le Conseil fédéral assurait que «le refus de porter une arme pendant le service militaire, ou de la prendre chez soi, serait un moyen tout à fait inefficace pour lutter contre la violence et la criminalité». Quelques années, et pas mal d’homicides plus tard, le discours a changé. Samuel Schmid, chef du Département, rebaptisé par Adolf Ogi, Défense, Protection de la population et Sport, envisage de restreindre la détention d’armes d’ordonnance au domicile des militaires actifs, à tout le moins la remise de «munitions de poche».
Le critère décisif pour de telles restrictions vaut son pesant d’explosif : il faudrait les appliquer aux seules personnes dont «l’état d’âme (Gemütszustand) ou le comportement donnent lieu à des plaintes de la part des autorités locales ou dont la fermeté de caractère n’est effectivement pas établie». Après le délit de faciès, voilà donc celui de profil psychologique. Sales gueules et sales tronches, unissez-vous ! yj
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