D’emblée, le nouveau gouvernement cantonal a intérêt à soigner la forme : le style de ses relations internes et sa manière de fonctionner constitueront les premiers et grands traits de sa «culture de groupe». S’il est facile en la matière de faire mieux que dans la législature qui s’achève, il faudra tout de même consentir un petit effort de réflexion et d’imagination pour sortir des chemins rebattus, de gré ou de force, par les quatre sortants. On se permet de suggérer ici trois ou quatre pistes à suivre.
Tout en jouant le jeu traditionnel, mais à mon sens malheureux, de la présidence annuelle assumée par tournus, le nouvel Exécutif vaudois serait bien inspiré de reconnaître le chef que les électeurs lui ont clairement désigné. Que Philippe Biéler n’ait pas précisément le profil d’un patron autoritaire ne gâte rien, au contraire ; il s’imposera d’autant mieux qu’il ne cherchera pas à le faire du jour au lendemain. Et si l’idée d’un syndic cantonal se heurte encore à de grandes résistances, la reconnaissance, à usage d’abord interne, d’un chef de la «famille» gouvernementale donnera une structure à l’équipe.
Quelle que soit l’attribution des portefeuilles, elle devrait donner lieu à une revalorisation du système des suppléances. On peut imaginer des combinaisons entre anciens et nouveaux membres du Conseil d’Etat, entre chefs de départements lourds et d’administrations moins accaparantes, entre responsables de gros dossiers et chargés de sujets moins brûlants. Là aussi, il s’agit de plaquer, sur un système inadéquat, un réseau de co-responsabilités plus stable que les rocades formelles effectuées chaque année.
S’agissant de partage des tâches, le travail en délégation est à privilégier, aussi bien en permanence pour les problèmes transversaux que selon d’éventuelles nécessités momentanées, pour la recherche en commun de solutions ad hoc. Les délégations (à trois par exemple) permettent d’impliquer les services de différents départements, dont on sait le mode de fonctionnement trop vertical, provoquant doublons et lacunes, créant gaspillages administratifs et mauvaise image de l’Etat.
Sans tomber dans les modes du moment en matière de « coaching » ni recourir aux gadgets de la consultance à tout va, le gouvernement ne devrait pas se gêner de s’entraîner à des méthodes de travail réputées efficaces, à la collaboration en équipe, à la réflexion à haute ou basse voix, voire à la pensée systémique ou à l’imagination activée. Rien ne vaut quelques jours d’apprentissage et de formation continue en commun pour resserrer des liens personnels sincères Ð dans le respect mutuel de choix politiques clarifiés.
L’arrivée d’une nouvelle génération au Conseil d’Etat, qui a d’autres modes de fonctionner et se soucie moins du formel que ses aînés, devrait faciliter le travail du gouvernement, lui donner une réelle cohérence et, partant, améliorer sa position vis-à-vis du Grand Conseil et son image dans le public.
Les Vaudois souhaitent que la politique retrouve de sa fierté et mérite désormais dans les médias des commentaires de fond plutôt qu’un traitement sur le mode «people», comme par défaut. yj
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