La politique reste l’art du possible. L’art bien helvétique du compromis. L’art aussi, particulièrement hasardeux, de gérer le calendrier politique, le plus incontrôlable des agendas. Rien de plus aléatoire que de programmer les dates des votations ou l’avance d’un dossier, d’éviter les coïncidences fâcheuses, les reports-prétextes et les cumuls de mauvaise humeur.
Tous les gouvernements se sont cassé les dents sur des questions d’agenda. A cet égard, le système bicaméral offre des ressources infinies, dûment exploitées par l’astuce et la paresse parlementaires : ce sont le plus souvent des petits jeux de procédure qui ralentissent le traitement d’un projet de loi déposé par le Conseil fédéral. On se souvient des longues résistances opposées à certaines propositions (protection de l’environnement, prévoyance professionnelle) ou même à de « simples » révisions de loi (droit des SA, 9e et 10e révisions AVS, plus longues que les huit premières).
C’est que le temps politique semble une denrée extensible, donc volontiers gaspillée. Partout, les gouvernements font pression et les élus s’ingénient à demander des réflexions supplémentaires, des variantes, une application différée, force délais et moratoires. De telles manœuvres peuvent s’avérer utiles, pour autant qu’elles soient assorties d’indications sur le genre de pistes à explorer pour la recherche de solutions différentes. A défaut, le débat se poursuit dans le flou : les oppositions s’additionnent et les alternatives se neutralisent, selon un mécanisme bien connu, vérifié pratiquement à chaque votation référendaire.
La lenteur étant l’allure de la démocratie et la maturation une condition de l’acceptation de tout projet, les impatients n’ont plus qu’à ronger leur frein, avec le double espoir d’obtenir à terme l’assentiment populaire et le consentement des politiques.
En aucun cas, le gouvernement n’a intérêt à tenter de manipuler le calendrier politique. Les parlementaires détestent ce genre de jeu, du moins quand il est pratiqué par le pouvoir exécutif. Pour des raisons politiques évidentes, les partis gouvernementaux se montrent moins réticents à l’égard des contre-affaires suggérées par les coïncidences du calendrier : le silence sur un sujet contre l’abstention sur un autre, le soutien du projet A contre la neutralité si possible bienveillante sur le projet B et ainsi de suite.
Mais quand le gouvernement annonce lui-même un tel marchandage et, pire, le propose au peuple, le terme de chantage vient sur toutes les lèvres. On l’a vérifié encore tout récemment avec l’incroyable deal proposé aux Vaudois par un gouvernement affolé par son grand échiquier : M2 contre privatisation partielle de la BCV. Les citoyens refuseront de faire un choix à la fois impossible et mal inspiré. YJ
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