Pour la première fois depuis sept ans en Suisse, le taux de chômage moyen est redevenu inférieur à celui du renchérissement annuel : 1,8 % pour le premier contre 1,9 % pour les prix à la consommation. Cet écart d’un chiffre après la virgule a une énorme valeur symbolique, et indicative dans la mesure où les indices de juillet le confirment clairement.
Toutes les données et prévisions pour l’année courante concordent : les importations de biens d’investissement, les commandes à l’industrie et les ventes du commerce de détail sont en augmentation, le climat de consommation s’améliore de trimestre en trimestre, les départs en vacances vont probablement battre tous les records cet été.
Au total, et même si le second semestre 2000 ne devait pas être aussi brillant que le premier, les prévisionnistes les plus prudents s’attendent à une croissance de
3 % pour cette année. Autant dire un taux inespéré, probablement supérieur au potentiel reconnu, en tout cas jamais atteint dans les années nonante et dépassé deux fois seulement au cours de la décennie précédente (en 1985 et 1989).
La Suisse est si soudainement et rapidement sortie de la crise que d’aucuns refusent déjà de prononcer ce mot pour désigner même les pires années sur le marché du travail (1991-1997).
Il y a trois ans (DP 1303, 12 juin 1997), nous demandions que l’on veille à « sortir de la crise par la bonne porte ». A défaut de quoi, la reprise ferait autant de dégâts sociaux que la basse conjoncture. Hélas, cette triste éventualité se confirme. Certes, l’inflation ne semble pas devoir sévir trop rapidement, malgré la hausse des produits pétroliers. Mais les salariés sentiront bientôt les effets de la non-compensation automatique du renchérissement, un peu vite abandonnée au temps de la déflation.
Et surtout, l’écart va encore se creuser entre les chômeurs de longue durée et les victimes définitives des restructurations d’une part, et, d’autre part, les travailleurs qui ont retrouvé un emploi et ceux qui ont une formation correspondant aux demandes de la nouvelle et aussi de l’ancienne économie.
Au fil des années de plus en plus difficiles, on a mis en place des systèmes d’aide aux demandeurs d’emplois. Avec la rapide diminution de leur nombre, les systèmes en question devraient eux-mêmes s’adapter. Au lieu de les reconvertir, on va sans doute les supprimer, en tout cas fortement réduire leurs effectifs.
Effet imparable : une accentuation de la société duale, qu’on n’appelle certes plus ainsi mais qui s’est bel et bien installée, à l’échelle de la planète comme de chaque pays. Partout, la reprise va accentuer la fracture sociale, mais aussi la déplacer vers la marge de la société, côté arrière-cour, moins visible, moins protégée, pour tout dire moins dommage.
Côté bon fric bon job en revanche, le spectacle brille de tous les feux du capitalisme new age : la compétition fait partout fureur, les mégamariages d’entreprises sont célébrés sur l’autel de la synergie, les réussites et les faillites se multiplient, jamais définitives ni les unes ni les autres, les oracles de la bourse et les anges des start-up délivrent leurs messages. YJ
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