« L’État ne peut pas administrer l’économie » a dit Lionel Jospin, s’exprimant au sujet des suppressions d’emplois chez Michelin. Cette petite phrase, qui a provoqué un de ces débats dont la France a le secret, est davantage un constat d’impuissance qu’une prise de position politique.
Cette impuissance se limite pourtant à l’administration de l’économie ; elle ne vaut pas pour la mise en place de cadres et de règles, nécessaires pour réguler ce que le marché ne fait pas automatiquement. Celui-ci, même pour les biens et services de grande consommation où la concurrence fonctionne bien, se révèle en effet incapable de faire passer la santé de la population avant le profit pur ou de prendre en compte les effets sociaux et écologiques de ses activités.
Le Conseil national s’est justement penché la semaine dernière sur une de ces activités économiques pour lesquelles une régulation étatique est indispensable : le petit crédit, appelé officiellement crédit à la consommation. Une activité fort rentable Ð ce qui reste de grandes banques et la plupart des établissements cantonaux s’y adonnent Ð à laquelle les milieux économiques refusent d’appliquer les règles ? de l’économie. Tout emprunteur, qu’il soit public ou commercial, connaît les quelques principes simples et de bon sens auxquels il est préférable de se soumettre pour assurer sa propre viabilité économique : emprunter pour investir, pas pour faire tourner le ménage ; ne pas payer les intérêts d’un premier crédit avec un second ; limiter le montant de l’emprunt en fonction de sa propre capacité financière et tenir compte, dans l’évaluation du risque, des événements et imprévus pouvant survenir.
Mettre en avant la liberté individuelle et celle du commerce pour s’opposer à l’adoption de ces règles ou en diminuer les effets est particulièrement pervers : le crédit à la consommation sert en fait l’économie, qui peut vendre une BMW à quelqu’un qui n’a que les moyens de rouler en VW Golf. Que l’économie paie, dans toutes les branches, des salaires décents, et les problèmes disparaîtront !
Tous les services sociaux, chez qui échouent les personnes en en difficulté financière, connaissent les effets les plus néfastes du crédit à la consommation : impossibilité de payer ses impôts, retard dans l’acquittement des pensions après un divorce, mensualités compromettant les besoins essentiels après une naissance, une période de chômage ou une maladie. Toutes conséquences nécessitant une aide de l’État, sur des budgets d’ailleurs régulièrement contestés par la droite.
Tant qu’à devoir intervenir, autant le faire de manière préventive, en réglementant sévèrement les conditions d’octroi d’un petit crédit, plutôt qu’a posteriori, en devant soutenir des familles surendettées. PI
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