Les taxes d’incitation font tache d’huile : après la Loi sur la protection de l’environnement, c’est pour un objectif de politique culturelle qu’une commission d’experts propose une taxe encourageant la « cinédiversité ».
L’Allemagne ou la France connaissent une taxe sur tous les films diffusés en salle, dont le produit permet de financer des subventions dans le domaine cinématographique. S’inspirant directement des débats et réalisations dans le domaine de la protection de l’environnement, comme aussi des conceptions les plus en vogue sur le rôle respectif du marché et de l’État, une commission d’experts présidée par le professeur Pierre Moor, de l’Institut de droit public de l’Université de Lausanne, propose une voie différente : non pas une taxe purement fiscale, mais une taxe d’incitation ; et une taxe dont le but, à l’extrême, prévoit qu’elle ne sera pas perçue : les assujettis sont presque encouragés à éviter de la payer.
L’objectif suprême défini par la nouvelle Loi sur le cinéma proposée par les experts, c’est d’assurer la diversité : diversité culturelle, diversité des genres, diversité de la provenance ? Ce n’est pas à l’État de garantir par son action cette diversité Ð il en serait d’ailleurs bien incapable Ð mais à tous les acteurs impliqués. Il revient à l’État un rôle central, celui d’organiser la transparence et la liquidité de ce marché, et un rôle subsidiaire d’encouragement culturel et économique auquel aucun pays n’a pu renoncer. C’est pour financer cet effort qu’une taxe non pas générale mais d’incitation est prévue.
Taxe sélective
La taxe se monte au maximum à un centime par écran et par spectateur. L’astuce, c’est qu’elle n’est due que pour les films qui franchissent le seuil d’un nombre d’écrans occupés simultanément (nombre qui reste à fixer, il devrait par ailleurs varier selon les régions linguistiques et l’état du marché et exclure les écrans situés hors des grandes agglomérations). Les grandes productions internationales, et seulement elles, mais sans que cela soit discriminatoire, financeront l’aide à la diversité et au cinéma de qualité. Et si le seuil n’était jamais atteint, la taxe ne serait pas perçue parce que la diversité serait alors assurée : C.Q.F.D.
Outre l’intelligente récupération de la réflexion sur les taxes d’incitation, le projet de révision de la Loi sur le cinéma (mené tambour battant : commission nommée en juin 1998, projet publié en avril 1999) se présente comme un condensé des notions les plus évoluées du débat juridico-politique sur la nouvelle gestion publique : « observatoire » et évaluation législative ; délégation de l’activité opérationnelle au travers d’un contrat de prestations ; critique de la notion d’annualité budgétaire et mise en place d’un fonds pour assurer l’utilisation « coordonnée et planifiée, donc efficace et efficiente » de l’argent public. fb
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