Les traditions sportives sont très différentes d’une
région du monde à l’autre. Les résultats des Jeux olympiques en sont le
reflet. La perpétuation d’anciennes pratiques aristocratiques maintient
l’escrime comme un point fort chez les Français et les Italiens, ou
l’équitation chez ces mêmes Français ainsi que chez les Allemands. Dans
l’arc du Caucase et de la Mer Noire, les sports de force sont
privilégiés. Haltérophiles et lutteurs turcs, bulgares, géorgiens ou
iraniens s’imposent plus souvent qu’à leur tour, quel que soit l’état
de la pharmacopée. Les Australiens nagent et les Finlandais ou les
Norvégiens, pour d’évidentes raisons climatiques, sont surtout présents
dans les compétitions hivernales.
En Suisse il existe trois sports
traditionnels, établis sur tout le territoire depuis le xixe siècle: la
lutte, la gymnastique et le tir. Leur développement est directement lié
à la construction du patriotisme et à la défense du pays. Il fallait
former de bons soldats et les fêtes fédérales ou cantonales restent une
des expressions les plus traditionnelles de l’helvétisme. La logique
voudrait que la Suisse collectionne les trophées olympiques dans ces
trois disciplines. Or ce n’est absolument pas le cas.
Des médailles au compte-gouttes
Nos
compatriotes ont certes remporté de nombreuses médailles en 1948 et
1952, mais les sportifs helvétiques bénéficiaient d’une sorte de prime:
ils n’avaient pas été fauchés par la guerre, ni subi de
sous-alimentation dans leur enfance entre 1939 et 1945, au contraire
des représentants des pays voisins. En 1956, la Suisse a boycotté les
Jeux pour protester contre l’invasion de la Hongrie par l’armée
soviétique. Les Jeux olympiques modernes commencent véritablement à
Rome en 1960. Douze éditions se sont déroulées depuis lors. Les Suisses
y ont remporté ? une seule médaille en gymnastique en 1996, grâce à un
Chinois naturalisé (l’or pour Dong Hua Li à Atlanta). Il en va de même
pour la lutte (une seule médaille de bronze en 1984 alors que les pays
de l’Est avaient boycotté les Jeux). Les tireurs en ont remporté
quatre, mais une seule lors des cinq derniers Jeux !
Ces résultats
infirment la vieille idée selon laquelle le sport d’élite s’appuie sur
le sport de masse. En réalité, dans notre pays, la gymnastique, la
lutte et le tir restent largement repliés sur leurs traditions.
Visiblement, aucune des fédérations concernées ne cherche à
professionnaliser à tout prix ses meilleurs éléments, condition
indispensable pour briller dans les grandes compétitions. Ce
comportement est après tout respectable. Suffit-il pour éviter les
dérives pharmaceutiques ? Nous n’en jurerons pas. Nous serions tout de
même curieux des résultats que serait capable d’obtenir le vainqueur du
jet de la pierre d’Unspunnen, dans l’épreuve du lancer du poids en
athlétisme, ou le roi de la fête fédérale de lutte dans une compétition
olympique. Ils ne seraient pas forcément très loin des meilleurs.
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