Les petites nations l’emportent dans le sport
européen : la Grèce à la surprise générale dans l’Euro de football, le
Suisse Federer à Wimbledon, Cancellara, un autre de nos compatriotes
dans le Tour de France, et puis, toujours dans la grande boucle, ces
cyclistes aux noms imprononçables : Kirsipuu l’Estonien ou Hushovd le
Norvégien. Bien sûr, toutes les fins de semaine ne sont pas ainsi et il
n’y a aucune leçon particulière à en tirer.
Cet été, au Portugal,
des milliers de supporters de chaque nation, tous identiques, portaient
le maillot de leur équipe et s’étaient peints le visage aux couleurs de
leur drapeau. Il semble que cette mode s’est répandue dans les
appartements. Pour regarder son équipe favorite à la télévision, il
convient là aussi d’en porter les couleurs. Par ailleurs, une seule
tenue universelle se porte chez tous les amateurs du ballon rond
par-dessus les frontières : le tricot jaune et vert des Brésiliens. Si
vous ne l’aimez pas, deux hypothèses sont possibles, ou bien vous ne
comprenez rien au football ou bien vous êtes argentin.
Comme lors de
chaque grande compétition, ces spectacles divertissants font l’objet de
commentaires sociologiques plus ou moins savants dans la grande presse.
Certains soulignent la régression nationaliste que représente le fait
de se transformer en drapeau ambulant, d’autres insistent sur le retour
à un patriotisme identitaire face à la construction de l’Europe et au
rétrécissement du monde. On peut aussi se livrer à des analyses
empruntant à l’anthropologie et insister sur le retour de la pensée
magique. On porte le maillot de l’équipe pour essayer de lui insuffler
de la force et lui faire sentir un soutien à distance.
Ces analyses
ne sont pas forcément fausses, mais au fond elles n’ont pas beaucoup
d’importance. Le monde du sport qui s’exprime ces jours, c’est avant
tout le plaisir d’être entre soi, dans un espace européen plutôt
fraternel, où l’on admire les petits sans (trop) se moquer des grands.
Pour un Américain ou un Asiatique, croiser des bipèdes vêtus d’orange
de la tête aux pieds ou avec des casques de Viking jaunes et bleus
représente sans doute un spectacle indéchiffrable. C’est qu’il nous est
destiné à nous Européens, il est à usage interne. Dans l’affirmation
joyeuse de ses petites patries, c’est notre continent qui s’exprime et
qui montre subtilement son unité dans les références partagées.
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!