La métropole lémanique, voilà un excellent sujet de colloques, de recherches et d’ouvrages savants. Cette expression correspond-elle à un mythe plus ou moins désirable ou recouvre-t-elle une réalité? Une contribution de l’ouvrage collectif Horizons métropolitains essaie de répondre à cette question.
L’auteure, Brigitte Schwab, est partie de deux projets concrets, tous deux dans le domaine de l’éducation et de la science, à près de cinquante ans d’intervalle : la création du CERN en 1953 et le fameux «projet triangulaire» de redistribution des tâches entre l’EPFL et les universités de Genève et Lausanne au seuil de l’an 2000.
La création du CERN est un projet typique de l’ère industrielle : une infrastructure centralisée très lourde dont on espère un effet de rayonnement économique sur des sous-traitants locaux. Le projet soutenu par la Confédération est défendu exclusivement par le canton de Genève. La ville apparaît peu et le canton de Vaud, sans parler de Lausanne, n’existe pas dans ce projet. Genève s’affiche clairement comme métropole scientifique, mais, nuance, il s’agit surtout du canton. Un référendum du Parti du travail fut lancé contre le projet qui paraissait aux yeux de certains avoir des retombées militaires. Le corps électoral genevois approuva la présence du CERN à une majorité de deux tiers.
Réseaux et synergies
Le projet triangulaire de la fin du xxe siècle est totalement différent. Il se situe clairement dans une logique postindustrielle. Il n’est question que de réseaux et de synergie. Le débat politique fut exclusivement vaudois, car une décision du Grand Conseil genevois n’était pas requise. Ce projet fut défendu bien sûr par les cantons concernés, responsables des universités. A la suite de diverses péripéties, les Vaudois finirent par accepter le projet en deux scrutins (loi sur l’université et regroupement de l’école de pharmacie à Genève) par respectivement 59% et 53% des voix en juin 2001. Dans ce cas également les villes de Lausanne et Genève furent peu présentes, faute de compétences légales dans ces questions, sans compter, ajoute l’auteure, que l’EPFL et l’Université de Lausanne ne sont pas sur le territoire de la ville.
Alors, métropole lémanique ou non ? Ce sont les cantons qui sont les acteurs principaux. Une unité plus forte du bassin lémanique se ferait indiscutablement au profit de Genève qui est le pôle économique principal. Les relations parfois distantes entre les deux cantons agacent les pendulaires hors sol, mais le maintien d’entités bien distinctes, Genève et Lausanne, permet à la démocratie locale de s’exprimer et évite qu’une ville prenne le pas sur l’autre, ce qui serait totalement contraire à l’esprit helvétique.
Brigitte Schwab, «La métropolisation
politique du bassin lémanique en
questions», in Bernard Jouve et Christian Lefèvre, Horizons métropolitains,
Presses polytechniques et universitaires
romandes, Lausanne, 2004.
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