A Genève, la Fédération des syndicats patronaux fête son 75e anniversaire. Elle en profite pour changer de nom et devenir la Fédération des entreprises romandes. Les changements d’appellation ne sont jamais innocents. Ils traduisent un ancrage historique, une conception du monde.
Au début est la Fédération genevoise des corporations, créée en 1928 à la suite d’une initiative des ? salariés membres des syndicats chrétiens-sociaux. L’époque est à la doctrine sociale de l’Eglise, qui considère que travailleurs et patrons de chaque profession doivent collaborer et se réunir dans une seule organisation. Ainsi dans la protestante Genève, ce sont des thèses d’inspiration catholique qui seront à l’origine de l’organisation patronale! Comme les syndicats ouvriers, la Fédération des corporations crée des caisses d’assurance maladie et de chômage, ainsi que des bureaux de placement.
En fait, ce corporatisme à la sauce genevoise a du mal à fonctionner. Les syndicats ouvriers tiennent le haut du pavé et c’est avec eux qu’il faut négocier. Le mot «corporation» est trop lié au fascisme; il ne survit pas à la guerre. En 1946, il est remplacé par «syndicats patronaux». Les Genevois seront très actifs. Ils réussiront à fédérer l’ensemble des organisations patronales de Suisse romande, à la notable exception vaudoise qui poursuivra son petit bonhomme de chemin.
Les services remplacent les combats
Aujourd’hui, et l’excellent numéro spécial d’Entreprise romande publié à cette occasion l’avoue sans fard, le mot «syndicat» est trop lié à la gauche et au monde ouvrier: place donc à «entreprise» qui a le mérite de faire coïncider le titre du journal et l’organe qui le publie. Comme les syndicats ouvriers, les associations patronales sont confrontées à des chutes d’effectifs; les membres collectifs sont passés d’une centaine à huitante-deux, alors que le nombre de membres individuels explose. Mais ceux-ci utilisent de plus en plus les fédérations patronales comme un centre de service, au fond l’équivalent d’un consultant, mais en moins cher. De plus, le lobbying est devenu prédominant, à Berne davantage qu’à Genève. Les spécialistes très pointus en droit du travail ou en assurances sociales ont remplacé les idéologues.
Avouons un certain regret. Entreprise romande était un de ces adversaires honorables et de bonne foi, avec lequel Domaine Public n’a jamais refusé une bonne polémique, à fleurets pas toujours mouchetés. Aujourd’hui les technocrates y ont semble-t-il largement supplanté les manieurs d’idée. Nous n’avons plus malmené Michel Barde depuis longtemps et au vu de nos archives, nous avons plutôt approuvé certaines initiatives, telles que le chéquier-créateur pour les PME. Cessez donc de pencher au centre, Messieurs de l’Entreprise romande, laissez parler votre vraie nature de libéraux et redevenez de vrais patrons de droite, comme vos collègues du bâtiment, que nous puissions à nouveau vous asticoter!
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!