La couverture médiatique de la préparation du G8 qui se tient au début juin à Evian est aussi dense dans la presse suisse qu’elle est faible dans les journaux étrangers. Il est clair que nos médias tiennent là le troisième grand événement de l’année après les exploits d’Alinghi et la guerre en Irak. La presse régionale française en parle, mais il s’agit de l’édition Haute-Savoie du Dauphiné Libéré et du Messager de Thonon. Leur ton est certes inquiet, mais plutôt modéré. Dans la presse française dite nationale, c’est le calme plat. Pas l’ombre d’un article sur les aspects transfrontaliers de l’événement, la préparation des manifestations d’opposants ou le dispositif de sécurité. Et dans les autres pays, les références au G8 mentionnent simplement que cette rencontre a lieu à «Evian en France».
Les appels des opposants font surtout allusion au VAAAG d’Annemasse, autrement dit «le village alternatif, anticapitaliste et antiguerre». Il est question de forums de discussion à Genève ou d’une manifestation à vélo à Lausanne, mais presque rien sur la Suisse. L’attente fantasmatique du G8 sur la rive suisse du Léman avec des informations quotidiennes dans tous les journaux semble assez sidérante et mérite une tentative d’explication.
L’arc lémanique est un centre du monde, pas un centre principal bien sûr, ce n’est pas Manhattan ou la City de Londres, mais un centre secondaire non négligeable, avec ses organisations internationales, sa place bancaire, ses sièges de grandes entreprises, son cosmopolitisme. Les événements du monde y retentissent fortement. L’organisation du G8 juste à côté ne pouvait que susciter un grand intérêt.
Un «centre» est aussi une cible potentielle. La présence sur les bords du lac d’une institution comme l’OMC ou du siège d’entreprises parfois controversées, comme Nestlé ou Philip Morris, pourrait donner des tentations à des adeptes d’actions spectaculaires lorsque toute la presse mondiale sera sur place. Or, ces zones délicates se trouvent en Suisse, pas en France. Les inquiétudes liées à la sécurité ne se résument pas à la protection rapprochée des chefs d’État.
Enfin, s’il est un pays qui n’est pas un État policier, c’est bien la Suisse. Pas de police fédérale en tenue, aucun corps spécialisé dans le maintien de l’ordre, des effectifs limités. Dans ces conditions, l’inquiétude face aux problèmes posés par des manifestations géantes est bien légitime. Mais pourquoi penser que les foules d’opposants et les débordements auront lieu en Suisse plutôt qu’en France, qui est tout de même le pays organisateur ? Cette paranoïa est peut-être le signe d’un désir aussi secret que refoulé : ce G8, s’il avait lieu chez nous, ce serait beaucoup mieux ?
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