René Guignard expose à Ballens. Son œuvre s’était développée autour d’une réflexion sur la ligne et la surface, un travail lié à notre perception de l’espace et sa réduction à deux dimensions, la troisième n’étant plus suggérée que par la surface granuleuse de la peinture. Sa peinture pouvait être qualifiée de non-figurative, mais cette catégorie n’a sans doute guère de sens.
Dans le secret de l’atelier, René Guignard n’avait jamais abandonné la figure humaine et les études d’académie comme on disait autrefois. Aujourd’hui il revient avec un ensemble de toiles qui traduisent une profonde évolution. Il peint l’éphémère, le fugace, des lisières et des ciels, mais ces abords de forêts sont à peine reconnaissables ; la ligne est toujours là, mais elle devient ondoyante et capricieuse. Parfois on la retrouve, tranchante, avec des fils électriques qui traversent la toile, dans celle qui est peut-être l’œuvre majeure de l’exposition. Et puis la ligne se replie sur elle-même et dessine une silhouette humaine, généralement noire et inquiétante. Sur la toile, on devine des os, des cailloux, des représentations qui viennent du fond des âges, on se croirait à Lascaux ou devant les fresques de la grotte Chauvet avec une différence fondamentale : nos lointains aïeux n’ont jamais représenté d’humains sur les grottes, si ce n’est des mains au pochoir et les mains, justement, font l’objet d’une autre série avec toujours une sorte de fantôme au fond de la toile.
Dans un tableau étonnant une autre silhouette, méditative, la main sur la tempe contemple des portraits, des dessins de personnes, elles bien réelles. René Guignard a griffonné les vers d’Apollinaire : «Vienne la nuit, sonne l’heure / Les jours s’en vont, je demeure» Sans doute faut-il comprendre qu’il s’agit de la permanence de l’homme par-dessus les gouffres du temps, de la grotte Chauvet à Ballens.
L’exposition René Guignard se déroule à la galerie de Ballens, jusqu’au 1er décembre. Pour ceux qui ne connaissent pas les lieux, Ballens se situe au-dessus de Morges, entre Apples et Bière. jg
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